Une lutte à finir avec la pandémie
Crédit photo : La Presse Canadienne/Jacques Boissinot
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Gestion de la pandémie, mesures destinées aux PME, santé mentale, réussite éducative, soutien accru aux plus vulnérables, dont les femmes violentées ou exploitées sexuellement : c’est un budget calqué sur les dossiers ayant occupé l’avant-scène de l’actualité des dernières semaines que le ministre des Finances a déposé aujourd’hui à l’Assemblée nationale du Québec.
Dans ce troisième opus – qui détonne des deux premiers exercices marqués par des surplus permettant de financer les promesses électorales – Eric Girard joue de prudence avec un budget sous le sceau de la « résilience et de la confiance ». Ici, les mots ne sont pas anodins. On présente un budget résolument axé sur les effets de la pandémie de COVID-19, le soutien aux entreprises fragilisées, mais aussi un budget de transition qui pose les premiers jalons de la relance.
La cible pour revenir à l’équilibre budgétaire passe de cinq à sept ans; l’option la plus réaliste pour respecter la promesse de ne pas hausser les taxes et les impôts, ni de couper dans les services. Un extrait des documents budgétaires est particulièrement révélateur : « le gouvernement s’engage à ne mettre en œuvre aucune mesure de résorption du déficit budgétaire tant que le Québec n’aura pas retrouvé son niveau d’emploi d’avant pandémie, soit dans deux ans. » Autrement dit, toutes les décisions difficiles pour résorber le déficit sont repoussées… de l’autre côté d’une élection qui arrivera dans 550 jours.
Contrairement au budget de l’an dernier qui occultait complètement la menace qui planait à l’horizon, les mots « pandémie », « sanitaire » et « COVID-19 » sont mentionnés à 478 reprises dans le Plan budgétaire, un document qui compte 508 pages!
Sans surprises, les dépenses en santé explosent de 10,3 milliards (+5,8 %) dont 2,9 G$ dès cette année. Uniquement pour l’embauche des 10 000 préposés aux bénéficiaires, cela représente une somme récurrente de 570 M$ par année. Outre la santé, l’éducation (+ 4,6 %) et l’enseignement supérieur (+ 8,2 %) obtiennent une bonne part du gâteau : 403 M$ sur deux ans pour le réseau scolaire et 600 M$ pour déployer des solutions numériques, favoriser la hausse de la diplomation et améliorer la santé et le bien-être des étudiants et du personnel.
Pour injecter du tonus à l’économie, 4 G$ d’ici cinq ans sont prévus pour stimuler l’investissement des entreprises et accélérer la croissance et la transition vers la nouvelle économie du Québec. De ce montant, 1,3 G$ servira au branchement d’Internet haute vitesse. En conformité avec l’ambition du premier ministre de réduire l’écart de richesse avec l’Ontario, Québec annonce la diminution du taux d’imposition des PME au même niveau que celui de la province de Doug Ford.
Pour les secteurs économiques victimes de la pandémie, le gouvernement prévoit de l’oxygène : le tourisme (+523 M$ sur six ans), la culture (+147 M$) et un soutien pour les aéroports et les transporteurs aériens (+18 M$). Aussi, des investissements additionnels de 193 M$ sur deux ans permettront de prolonger certains programmes d’aide dont le Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE) et le programme Aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME).
Bien qu’on nous parle continuellement de la mise en place d’une « nouvelle économie » devenue le nouveau crédo du gouvernement Legault, il faudra vraisemblablement attendre à l’automne avant que cette pièce de résistance sur la relance nous soit véritablement servie. Qui sait, peut-être à l’intérieur d’un discours inaugural à un an de l’échéance électorale. Comme quoi, cette crise sanitaire peut comporter une intéressante opportunité.
En attendant, on gonfle à l’hélium le plan québécois des infrastructures (le fameux PQI) désormais établi à 135 G$, en hausse de 4,5 G$. Rappelons qu’à l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec, le PQI frôlait les 100 G$. Près de 13,4 G$ seront accélérés au premier quinquennat de ce PQI 2021-2031, et 77 G$ seront investis dans les cinq prochaines années. Visiblement, le festival du cône orange et le son ahurissant des « pépines » ne sont pas sur le point de s’estomper! Vite, il faut rénover les écoles, construire des infrastructures sportives, livrer les Maisons des aînés et dérouler du bitume sur les routes du Québec au nom de la relance économique… et du respect des promesses électorales!
S’il y a un souci de soutenir l’économie, le gouvernement souhaite renforcer le filet social des Québécois : 1 G$ est ainsi injecté pour protéger les plus vulnérables dont 408 M$ sur 5 ans pour le logement social, 116 M$ sur 5 ans pour de nouvelles places de garde subventionnées, 10,5 M$ sur 5 ans pour la violence à l’endroit des femmes, 27 M$ pour les organismes communautaires, 150 M$ sur 5 ans pour l’exploitation sexuelle des mineures et 143 M$ pour la santé mentale et l’itinérance.
Pour ceux qui ont suivi l’actualité gouvernementale, ce budget comporte bien peu de surprises. Cela s’explique par la ribambelle de programmes d’aide annoncés tout au long de la dernière année et qui font maintenant leur entrée dans les livres du gouvernement. Pour le reste, le gouvernement avait lui-même ébruité plusieurs des nouvelles mesures : stratégie d’exportation, soutien aux secteurs en difficulté, programme de prêts pardonnables, programme SPRINT, etc. Et il avait surtout pris le soin de gérer à la baisse les attentes de tout un chacun. N’empêche, le ministre Girard propose de nouvelles initiatives qui tombent à point nommé et qui pourraient satisfaire bien des clientèles.
On peut affirmer que ce budget est cohérent avec les défis que le Québec traverse présentement. Bien que les marges de manœuvre soient réduites, le gouvernement Legault a trouvé un juste équilibre pour gérer la fin de cette pandémie, renforcer un réseau de la santé qui a révélé ses faiblesses, venir en aide aux plus vulnérables et se propulser vers une reprise dès que les dernières doses de vaccin seront inoculées aux Québécois.
Le budget en chiffres
- Le Québec a enregistré une diminution de 5,2 % du PIB réel pour l’ensemble de l’année 2020, tandis que le recul a été de 5,4 % au Canada.
- En raison des répercussions majeures de la crise sanitaire sur la situation économique et financière du Québec, la dette brute remontera à 49,5 % du PIB au 31 mars 2021.
- Une diminution graduelle du ratio de la dette brute au PIB est prévue au cours des prochaines années. Le poids de la dette brute devrait s’établir à 47,0 % du PIB au 31 mars 2026, soit deux points de plus que ne le permet la Loi sur la dette.
- Le déficit de l’année en cours demeure à 15 G$, rehaussé par rapport aux prévisions de novembre à 12,7 G$ pour 2021-2022 et 8,7 G$ l’année suivante. On prévoit équilibrer les finances d’ici sept ans, soit en 2027-2028. Le gouvernement contrevient ainsi à la Loi sur l’équilibre budgétaire qui oblige les gouvernements à se limiter à cinq années consécutives de déficits. Aucune compression n’est prévue d’ici à ce que le Québec retrouve le plein emploi, à la fin 2022, juste après les élections provinciales.
- La reprise économique sera vigoureuse. Un rebond de l’activité économique de 4,2 % est attendu au Québec en 2021. L’année 2022 marquera le retour du marché du travail au plein emploi.
- La COVID-19 aura coûté environ 30 G$ à l’État québécois d’ici 2025-2026, cette somme inclut les dépenses, et les revenus perdus par l’arrêt des activités économiques.
- Québec chiffre pour une première fois le coût de l’opération de vaccination contre la COVID-19: une somme de 400 M$.
Mesures sectorielles
Santé
- 2,9 G$ en 2021-22, sont prévus pour renforcer notre système de santé, dont 2,3 G$ pour vaincre la crise sanitaire; 316,5 M$ pour renforcer les services pour les aînés; et 264,2 M$ pour rehausser les soins et les services en santé.
- Des investissements de 15,2 G$ d’ici 2025-26 en santé dont : 2,8 G$ pour reconnaître les efforts additionnels des travailleurs de la santé, 2,8 G$ pour acquérir le matériel et les équipements de protection, 6,5 G$ pour rehausser les services auprès de la population et du personnel de la santé et 3,9 G$ pour améliorer de manière durable les soins en santé.
Éducation
- Un appui additionnel à l’égard des jeunes de 1,5 G$ d’ici 2025-2026 afin de s’assurer que chaque jeune est en mesure de développer son plein potentiel, notamment à l’égard de la réussite scolaire.
Resserrement fiscal du commerce en ligne
- Le gouvernement souhaite resserrer la perception de la TVQ sur tous les biens en provenance de l’étranger et achetés en ligne. Cet ajustement devrait rapporter 1,8 G$ en revenus pour l’État d'ici cinq ans.
Accélérer la croissance et transition
- De nouvelles mesures totalisant plus de 4 G$ sont prévues d’ici 2025-2026 afin de favoriser la croissance et la transition. Ces mesures comprennent un montant de 1,3 G$ pour accélérer le branchement à Internet haute vitesse, 753 M$ sur cinq ans pour acquisition de nouvelles technologies, une bonification du congé fiscal pour grand projet par l’ajout de projets de transformation numérique et 217,9 M$ sur six ans pour appuyer la réalisation de projets innovants.
- Des investissements sont prévus dans des infrastructures et des centres de recherche et pour appuyer l’innovation dans des secteurs stratégiques de la forêt, du tourisme et de la cybersécurité.
- Les PME verront leurs taux d’imposition réduits au niveau des entreprises de l’Ontario.
Des piliers ciblés pour l’exportation
- Des investissements seront réalisés dans des secteurs stratégiques de l’économie permettant aux entreprises du Québec d’augmenter leurs exportations. Le gouvernement prévoit 167,4 M$ sur cinq ans pour poursuivre le développement de la filière batterie (15 M$), renouveler la Stratégie québécoise de l’aérospatiale (95 M$ de plus au cadre financier de la Stratégie), appuyer le secteur de l’aluminium (35 M$ de plus au cadre financier de la stratégie).
Mise à profit du PQI
- Québec investira dans le béton pour relancer l’économie. Quelque 4,5 G$ sont ainsi ajoutés au Plan québécois des infrastructures qui s’élève maintenant à une somme record de 135 G$ et le gouvernement prévoit dépenser 60 % de cet argent d’ici cinq ans.
Main-d’œuvre
- 403,6 M$ additionnels pour la formation, la requalification et l’intégration des personnes immigrantes au marché du travail appuyer la requalification de la main-d’œuvre et son intégration au marché du travail et soutenir le développement de la main-d’œuvre en TI (28 M$ en deux ans).
Développement des régions
- Un montant de 523 M$ sur six ans est prévu pour soutenir et relancer notamment le secteur du tourisme au Québec, appuyer le développement du secteur forestier, moderniser les infrastructures régionales, soutenir les services de transport et les localités, et favoriser le développement du secteur bioalimentaire.
Culture
- Afin de promouvoir la culture, le patrimoine québécois et la langue française, le gouvernement prévoit 392 M$ sur six ans pour promouvoir la culture, valoriser le patrimoine culturel et défendre et renforcer le statut du français comme langue officielle et langue commune du Québec.
Développement durable
- 136,5 M$ sont prévus sur cinq ans pour protéger l’environnement en améliorant la gestion de notre eau, mettre en œuvre des mesures d’accompagnement pour une relance durable, mettre en valeur des solutions innovantes pour faire face aux défis de la croissance durable et favoriser le développement économique par l’utilisation responsable des ressources naturelles.
Soutien aux entreprises heurtées par la COVID-19
- Le gouvernement prévoit plus de 192 M$ sur deux ans pour maintenir le Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE) et le programme Aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME).
- Il prolonge le crédit de cotisation des employeurs au Fonds des services de santé à l’égard des employés en congé payé.
- Un nouvel assouplissement sera apporté au calcul des heures rémunérées pour la déduction pour petite entreprise.
Mesures sociales
- Québec investira 150 M$ sur cinq ans pour répondre aux recommandations du rapport de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs en élaborant des campagnes de sensibilisation et en renforçant la lutte au proxénétisme.
- 1 G$ est prévu d’ici 2025-2026, notamment à l’égard du logement social et de l’accompagnement des personnes vulnérables.
Secteur financier
- Le gouvernement a choisi de maintenir la taxe compensatoire des institutions financières qui devait être abolie en 2024 et qui devient maintenant permanente. Ce maintien représente une taxation supplémentaire des institutions financières de près de 550 M$ d'ici 2026.