Sur la ligne de départ

Trente-neuf jours. C’est ce qui nous sépare de l’élection du prochain gouvernement.

D’un côté, un premier ministre qui cherche un deuxième mandat et tente de se défaire de l’étiquette d’un parti en poste depuis 15 ans. De l’autre, un parti qui se trouve aux portes du pouvoir et qui pourrait mettre un terme à une alternance vieille de 50 ans. Entre les deux, un chef de l’opposition qui doit tout donner s’il veut éviter l’hécatombe annoncée. État des lieux d’un marathon électoral qui s’annonce enlevant.

La question nationale ayant été mise en veilleuse par le Parti Québécois, l’élection du 1er octobre pourrait bien être la première sans que cet enjeu ne soit au centre des débats.

Autre première : les Québécois sont conviés aux urnes, non pas pour trancher une question fondamentale, mais bien parce que la loi en a décidé ainsi. Il est vrai que les premières élections à date fixe retirent des mains du premier ministre l’avantage du calendrier électoral, mais du même coup elles enlèvent la frénésie et le côté imprévisible qui accompagnaient le coup d’envoi de toute campagne.

Cette fois, bien malin celui qui saura prédire la fameuse ballot question. Hormis le thème du changement qui s’installe en trame de fond, chaque parti cherchera à imposer un enjeu qui pourra le démarquer de ses adversaires.

Cet été, parce qu’on ne change pas les perceptions en 39 jours, les chefs ont sillonné le Québec en travaillant sur leurs lacunes respectives. Philippe Couillard, aux commandes d’un food truck,a joué la carte du politicien accessible et chaleureux en opposition à une image plus froide de chirurgien; François Legault a réuni une importante brochette de candidates pour séduire l’électorat féminin qui l’a traditionnellement boudé; et Jean-François Lisée, qui tire de l’arrière dans les sondages, a misé sur la populaire Véronique Hivon et une précampagne publicitaire fort audacieuse.

LEGAULT : L’ULTIME TENTATIVE

Au-delà des sondages où son parti caracole en tête depuis un an, la Coalition Avenir Québec dispose indéniablement du momentum. François Legault a réussi à insuffler de la crédibilité à sa formation politique en alignant une équipe de candidats capable de gouverner.

Signe de sa popularité nouvelle, la CAQ, autrefois reconnue pour ses positions résolument plus tranchées et à droite du spectre, migre maintenant vers le centre de l’échiquier politique. Toutes les idées minimalement controversées auxquelles on nous avait habitués par le passé ont été évacuées du programme. Le chef, qui a longtemps fait l’apologie d’une vision sombre et négative du Québec, a largué le mode opposition pour un mode propositions. Et pour ne pas indisposer personne et ratisser le plus large électorat, on remarque que le discours de M. Legault s’adapte d’une région à une autre, d’une clientèle à l’autre.

Mais avec cette position de tête viennent la pression, le tir nourri des adversaires, l’insistance des médias, le risque de trébucher et la possibilité de chuter dans les intentions de vote. Le parti en est parfaitement conscient et joue de prudence. Un des plus importants défis pour la CAQ sera de maintenir l’avance dans les sondages pendant 39 jours et de faire mentir l’adage selon lequel « tout ce qui monte redescend ».

Cette fois sera-t-elle la bonne pour les troupes de François Legault après deux tentatives infructueuses en 2012 et 2014? Chose certaine, il a déjà en tête les membres de son comité de transition avec, à sa tête, Catherine Loubier qui a œuvré chez les conservateurs fédéraux, notamment dans les cabinets de Denis Lebel et de Stephen Harper.

COUILLARD : LA « CONTINUITÉ RENOUVELÉE »

Alors que le PLQ devait amorcer la campagne avec une longueur d’avance dans sa préparation, l’attention des médias a été portée sur la gestion maladroite du remplacement du député François Ouimet, mettant à mal la parole de M. Couillard et allant jusqu’à faire réagir l’ancien chef Jean Charest, phénomène rare au PLQ.

Le bilan économique des libéraux est solide, mais quand l’économie va bien, les yeux des électeurs se tournent vers d’autres préoccupations. Bon coup à noter : l’implication de la vérificatrice générale qui permet désormais de livrer un portrait juste de l’état des finances publiques avant le déclenchement des élections. Fini les surprises ou les excuses lorsqu’une nouvelle équipe prendra les commandes.

Malgré le renouvellement promis provoqué par de nouveaux départs et l’intention de former l’équipe la plus forte, jusqu’ici, Philippe Couillard n’a pas aligné de candidatures d’envergure ou à forte notoriété nationale. On notera la présence de vétérans et de valeurs sûres combinés à du sang neuf, une réponse évidente à la soif de changement perceptible chez les électeur. Avant même le déclenchement des élections, le PLQ s’affaire déjà à « définir » son principal adversaire et à dépeindre François Legault comme un chef qui change d’avis ou qui manque de clarté (de franchise) sur ses réelles intentions et position. Un couteau à double tranchant pour le chef du PLQ éclaboussé par son propre manque de franchise dans l’affaire Ouimet.

On peut aussi s’attendre à ce que la menace à l’économie que peuvent représenter des relations plus tendues avec l’administration Trump constitue le principal motif invoqué par M. Couillard pour inciter les Québécois à conserver le même capitaine et à résister à la tentation de changer le gouvernail. Cette fois ci, il sera difficile pour les libéraux de brandir la menace référendaire pour s’attirer les votes d’un électorat visiblement désintéressé par la question de la souveraineté.

LISÉE : LA FORCE TRANQUILLE

Quant à Jean-François Lisée, le stratège devenu politicien, ne peut que surprendre. Il aura besoin de coups d’éclat, à l’instar de l’audace et de l’autodérision dont le PQ a su faire preuve dans sa campagne publicitaire préélectorale. Il devra bien doser la présence de Véronique Hivon, puisqu’une surexposition de sa carte maîtresse pourrait affaiblir son propre leadership. Chose certaine, ses talents de communicateur seront certainement mis à profit lors des débats des chefs auxquels il participera pour la première fois.

À surveiller dans cette campagne électorale :

  • La capacité de François Legault à gérer la pression, à résister aux tirs nourris des attaques de ses adversaires et à imposer le thème du changement dans l’urne;
  • Après un faux départ marqué par le cafouillage dans l’affaire Ouimet, l’entrée en scène dans la controverse du candidat qui lui succédera dans Marquette et la sortie de Jean Charest, les libéraux réussiront-ils à reprendre le contrôle de l’agenda et à se trouver une rampe de lancement?
  • Les stratégies du Parti Québécois pour faire monter l’aiguille et retrouver une zone où il peut espérer conserver les comtés qu’il détient déjà, voire faire des gains;
  • Les efforts de Québec solidaire pour remporter des circonscriptions à l’extérieur des frontières montréalaises;
  • Les candidatures prestigieuses que les partis annoncent à la toute dernière minute.

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——— Michel Rochette, anciennement Directeur et leader, secteur Environnement, énergie et mines au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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