Rentrée parlementaire à Québec : quitte ou double

Entre une élection fédérale à l’issue incertaine et une campagne électorale municipale imminente, la rentrée parlementaire à Québec passe pratiquement inaperçue. Pourtant, cette session risque d’être passablement mouvementée alors que le gouvernement Legault entame la quatrième et dernière année de son mandat. Au menu : relations fédérales-provinciales, langue française et garderies.

Pas de remaniement ministériel estival ni de discours inaugural. Le premier ministre ne déroge pas de son plan de match et garde le cap, probablement réconforté par des sondages où il caracole dans les intentions de vote. François Legault s’est contenté de minimes ajustements.

Il a ainsi réintégré le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon au Conseil des ministres après qu’il eût régularisé sa situation éthique en vendant ses actions dans des entreprises qui faisaient affaire avec l’État.

En l’espace de quelques jours, deux ministres – Marguerite Blais (Aînés) et Nadine Girault (Immigration et Relations internationales) – ont annoncé devoir s’absenter sur recommandation de leur médecin. Par ailleurs, considérant que plusieurs ministres cumulent d’importantes fonctions ministérielles, il ne faudrait pas se surprendre qu’on fasse entrer, plus tôt que tard, du sang neuf au sein de l’équipe ministérielle en prévision du prochain rendez-vous électoral.

Bien sûr, un discours inaugural au cours duquel le gouvernement aurait présenté les nouvelles priorités et marqué une rupture entre la gestion de la pandémie et le retour à une normalité aurait pu servir de rampe de lancement à cette année préélectorale. La quatrième vague de COVID-19 qui déferle présentement sur le Québec a rapidement évacué cette option.

Les prochains mois seront consacrés à une vaste réforme du réseau des services de garde subventionnés aux prises avec un manque de places… et de personnel! Une offensive pour calmer le désespoir de plusieurs familles et destinée à satisfaire une clientèle traditionnelle de la Coalition avenir Québec.

Deux pièces législatives ayant d’importantes répercussions sur les entreprises seront vraisemblablement adoptées : le projet de loi 64 sur la protection des données personnelles et le projet de loi 59 qui réforme le système de santé et de sécurité au travail.

Celui à qui le premier ministre confie d’importantes missions, Simon Jolin-Barrette, pilotera la réforme du droit de la famille, la création d’un tribunal dédié aux victimes d’actes sexuels, sans oublier la modernisation de la Charte de la langue française. Après la loi sur la laïcité et une loi pour réduire le nombre d’immigrants accueillis au Québec, le troisième chapitre du programme identitaire de la CAQ mise sur une réforme de l’emblématique loi 101. En dépit de la sensibilité que revêt le dossier linguistique au Québec, le projet de loi 96 a été bien accueilli.

Défis chez les oppositions

Du côté des oppositions, les trois formations tenteront de tirer leur épingle du jeu.

Dans les dernières semaines, on a remarqué chez Dominique Anglade une volonté de repositionner son parti dont l’appui est famélique chez les francophones. Accueil favorable au projet de loi 96, sorties pour dénoncer l’ingérence du gouvernement fédéral dans les champs de compétences du Québec, complétion du réseau des CPE, vaccination obligatoire des employés de l’État : Dominique Anglade veut faire bouger l’aiguille de l’électorat avec des prises de position audacieuses et qui s’éloignent de la tradition libérale.

En jetant son dévolu sur une candidate implantée dans son milieu, mais totalement inconnue du public, pour succéder à la députée Lise Thériault qui ne sollicitera pas un huitième mandat dans Anjou–Louis-Riel, la cheffe libérale a donné un avant-goût du défi qui l’attendait sur le plan du recrutement. Sans une candidature d’envergure, ce château fort pourrait bien basculer dans la cour de la Coalition avenir Québec, laquelle veut justement améliorer sa représentation sur l’île de Montréal.

Du côté de Québec solidaire et du Parti québécois, la rentrée parlementaire aura des allures comparables. Les deux formations politiques se dotent d’un nouveau chef parlementaire. Gabriel Nadeau-Dubois prend le relais de Manon Massé tandis que le député des Îles-de-la-Madeleine Joël Arsenault remplace Pascal Bérubé en attendant que Paul St-Pierre Plamondon remporte son siège au Salon bleu.

Il faudra aussi surveiller la montée du Parti conservateur du Québec qui compte bien tirer profit du mécontentement entourant les mesures sanitaires, la vaccination obligatoire ou l’entrée en vigueur du passeport sanitaire. Le premier ministre a compris la fatigue des Québécois en lien avec cette pandémie qui n’en finit plus. Il est aussi conscient que l’électorat de droite – incarné par la frange adéquiste de sa formation politique – flirte avec le parti d’Éric Duhaime.

Le ton monte

Dans une semaine, tous les yeux seront rivés du côté d’Ottawa où le résultat de l’élection fédérale risque d’avoir un impact considérable sur la nature des relations entre les deux capitales.

En affichant sa préférence pour l’élection d’un gouvernement conservateur minoritaire et en menant une charge à fond de train contre le Parti libéral du Canada, François Legault pourrait avoir joué gros.

Si Justin Trudeau réussit à s’accrocher au pouvoir, non seulement M. Legault aura échoué dans sa tentative de téléguider le vote des Québécois, mais des dossiers qui lui seront chers donneront lieu à de prévisibles altercations.

Car les libéraux ont clairement affiché leurs couleurs : transferts en santé moins importants qu’espérés et assortis de conditions, financement incertain pour le troisième lien entre Québec et Lévis, possible contestation judiciaire de la loi 21 sur la laïcité de l’État, refus de transférer de nouveaux pouvoirs en immigration et en logement, maintien de deux rapports d’impôt, etc.

Mais François Legault n’est pas né de la dernière pluie. Il connait son rapport de force et entend l’utiliser à son avantage pour faire avancer son agenda. En exacerbant les tensions avec le gouvernement fédéral pour faire vibrer la corde nationaliste, François Legault pourrait, en revanche, s’aliéner tout un électorat qui avait cru en sa profession de foi fédéraliste.

C’est d’ailleurs la capacité de François Legault à tourner la page sur un débat qui opposait fédéralistes et souverainistes qui est à l’origine de son succès politique et de sa popularité.

Que ce soit dans le cadre de sa relation avec Justin Trudeau ou avec les Québécois, François Legault a choisi son camp : ce sera quitte ou double.

Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal