Parlons affaires : le prochain chapitre des relations canado-américaines
Après des dernières semaines tumultueuses, l’ère Trump a pris fin le 20 janvier. Face à des défis redoutables, le président Biden prend enfin les rênes de la branche exécutive du gouvernement américain et fait la promesse de changer fondamentalement le ton de la politique à Washington, tout en signalant aux alliés étrangers que les États-Unis sont à nouveau prêts à s'impliquer sur la scène internationale.
L’inauguration de la semaine dernière n’a laissé aucun doute quant à sa volonté de s’appuyer sur le bipartisme et la science en plus de changer du tout au tout l’approche concernant les changements climatiques. L’adoption d’une série de décrets et la prise d'engagements détaillés sur la manière d'aplatir complètement la courbe des cas de COVID-19 du pays prouvent que le président Biden est conscient de l'importance d'agir rapidement dans les fameux « 100 premiers jours » de son mandat.
Non sans rappeler l’ère Obama, le discours d’inauguration du président Biden et les prises de parole des multiples intervenants ont insisté sur l’espoir et le changement pour étayer la manière dont son gouvernement va diriger. Et, pour en rajouter une couche, la brillante Amanda Gorman a fait écarquiller les yeux du monde en trouvant les mots justes pour décrire et souligner ce qui est nécessaire.
Pour le Canada, les objectifs de cette nouvelle administration seront aussi importants que les moyens qu’elle prendra pour les atteindre. Autant pour le gouvernement fédéral que pour ceux des différentes provinces.
Le président a constitué un cabinet expérimenté et diversifié. Il a choisi en Kamala Harris la première femme noire et asiatique au poste vice-présidente, elle qui agira de facto à titre de « directrice des opérations ». Il va aussi miser sur sa profonde expérience en tant que sénateur et ancien vice-président pour obtenir des victoires législatives auprès des législateurs républicains qui représentent les électeurs encore sceptiques de 2020.
Pour son premier appel téléphonique du président avec un dirigeant étranger, il s’est entretenu avec le premier ministre Justin Trudeau, le vendredi 22 janvier. Le fait que le Canada se retrouve en tête de liste a une importance symbolique qu’il ne faut pas sous-estimer : les quatre dernières années de la relation bilatérale ont été tout simplement misérables. Désormais, la plus grande relation commerciale au monde recevra l’attention qu’elle mérite. L’agenda de ce premier appel n’avait rien de surprenant : les deux dirigeants ont couvert un large éventail de questions bilatérales clés, y compris le commerce, la coopération en matière de défense, le bois d'œuvre, et un désaccord critique sur la décision du président de se retirer du projet d'oléoduc Keystone.
NATIONAL estime que les moindres détails de la nouvelle relation canado-américaine sont d'une importance capitale pour les entreprises canadiennes. Il est important d’aller au-delà de la dimension symbolique (c’est d’ailleurs ce que nous avions fait dans notre article précédent). Nous surveillerons l'émergence de différents phénomènes, dont les suivants :
Comment les priorités de l'administration Biden deviennent (instantanément) les priorités du gouvernement Trudeau :
Les deux dirigeants ont discuté du nouvel engagement « Buy American » de la Maison-Blanche lors de leur appel de vendredi. Les détails de ce que cet engagement signifie pour les entreprises canadiennes doivent être clairs compte tenu des liens commerciaux profondément ancrés dans de multiples secteurs. Cette conversation n’implique pas uniquement le cabinet du premier ministre et la Maison-Blanche : le gouvernement canadien – et son ambassade à Washington – discutera de l’enjeu avec des membres clés de la Chambre des représentants et du Sénat des États-Unis dans les prochains jours. Devant cet auditoire élargi, la voix de l'industrie canadienne se devra d’être claire et convaincante.
L'équipe Biden a annoncé un programme « Buy America » le 25 janvier, avec de nouvelles mesures exécutives, dans le cadre de cette deuxième semaine d’annonces liées aux principaux domaines d'intérêt. L’une des nouvelles mesures est la création d’un nouveau poste principal au bureau du budget de la Maison-Blanche (Office of Management & Budget) pour se pencher sur les initiatives « made in America » et les emplois locaux; autrement dit, une fonction centralisée sous la direction du président pour assurer la coordination au sein du gouvernement américain. Cette mesure forcera le gouvernement Trudeau à agir encore plus rapidement.
Les similarités entre le gouvernement minoritaire canadien et le congrès américain mi-rouge, mi-bleu :
À première vue, la Chambre des représentants contrôlées par les démocrates et le Sénat où règne un équilibre quasi-parfait semble être le contexte parfait pour faciliter l’adoption de mandats clés pour le président Biden. Il n’est est rien. La nécessité de naviguer à travers les règles propres au Sénat – et la manière dont le pouvoir y est partagé – aura certainement un impact sur l'ensemble de la législation. À l’image du gouvernement Trudeau qui a besoin du soutien des partis d’opposition pour faire avancer les dossiers importants au parlement, la Maison-Blanche de Biden devra s’assurer d’agir avec précaution auprès des démocrates et des républicains. Les industries canadiennes – notamment issues des milieux manufacturiers, de l’énergie et des technologies propres – devront évaluer avec soin si leurs résultats financiers seront affectés par des retards ou des conflits partisans, et comment collaborer avec les gouvernements au nord et au sud de la frontière de manière efficace.
Les liens entre les cabinets :
Le ton des relations canado-américaines est incontestablement dicté au sommet par le premier ministre et le président. Mais les entreprises canadiennes devraient s’intéresser tout autant aux contacts initiaux entre les ministres canadiens et leurs homologues américains. Ces rencontres débuteront lorsque les différents membres du cabinet du président seront confirmés par le Sénat américain et qu'ils commenceront à examiner les principaux éléments internationaux de leur mandat. Le Canada figurera au sommet de la liste pour les nouveaux secrétaires au Trésor, à la Défense, à la Santé et aux Services sociaux et à l'État – pour ne citer que ceux-là – et ces relations devront être fondées sur la vision de ce que les deux gouvernements peuvent accomplir ensemble.
Dans le même ordre d'idées, NATIONAL observera également comment prendra forme la dynamique entre la vice-première ministre canadienne Chrystia Freeland et la vice-présidente américaine Kamala Harris. Elles sont toutes deux considérées comme de potentielles futures dirigeantes de leur parti respectif et jouent un rôle similaire et essentiel dans l'ensemble du gouvernement. De plus, elles exercent toutes deux des rôles cruciaux pour leurs dirigeants et leurs collègues du cabinet dans toutes les décisions stratégiques clés, y compris celles qui ont une incidence sur les relations entre le Canada et les États-Unis.
NATIONAL examinera attentivement la position des deux gouvernements sur les points de désaccord et de friction dans les semaines à venir. L'équipe d'experts en affaires publiques et en relations gouvernementales de NATIONAL est bien placée pour fournir des conseils stratégiques alors que les relations canado-américaines évoluent sous la direction du président Biden et de son cabinet. Nous sommes prêts à vous aider.
Gordon Taylor Lee est l’associé directeur de notre bureau d’Ottawa. Il a commencé sa carrière à Affaires mondiales Canada après avoir été membre du bureau nord-américain du ministère et du consulat général du Canada à Seattle.