Les noces de coton du gouvernement Legault

27 septembre 2019

La première année de la Coalition avenir Québec aux commandes de l’État fut l’occasion pour François Legault de réaliser ses principales promesses électorales. Au moment où il célèbre son premier anniversaire au pouvoir, le premier ministre avance avec détermination, les yeux rivés sur l’objectif, et met en garde sa députation que cette confiance ne doit jamais se transformer en arrogance. État des lieux, perspectives et analyses après un an de gouvernement Legault.

Fort de sa majorité et d’une popularité qui perdure, le gouvernement Legault a totalement la mainmise sur l’agenda politique au Québec. Laïcité, diminution des seuils d’immigration, nationalisme, troisième lien entre Québec et Lévis : il impose ses priorités dans l’actualité et alimente les débats de société. Mais parce qu’il se trouve en communion avec la population, et bénéficiant des coffres de l’État pleins à rebord, le gouvernement de François Legault fonce droit devant, sans se laisser distraire par les obstacles qui jalonnent sa route et les quelques voix discordantes qui se font entendre. L’âge légal pour consommer du cannabis, la transformation numérique gouvernementale, le déploiement des maternelles 4 ans, le processus de nomination du commissaire de l’UPAC figurent dans cette liste. Par-dessus tout, il affiche une opiniâtre volonté à réaliser coûte que coûte son programme électoral. Le calcul politique est simple : mieux vaut réaliser une promesse dont on attachera les ficelles ultérieurement que de briser un engagement. Le pari est payant : la CAQ caracole dans les intentions de vote.

Dans le même registre, d’autres éléments charnières de la plateforme caquiste émergeront cet automne : réforme du mode de scrutin, transformation des commissions scolaires en centres administratifs, révision de la mission d’Investissement Québec, abolition du Centre de services partagés, construction des premières Maisons des aînés, etc.

Évidemment, des dossiers se sont aussi invités dans la conversation et ont forcé le gouvernement à dévier de sa trajectoire initiale : cartographie des zones inondables, insatisfaction des chauffeurs de taxi, cybersécurité et protection des renseignements personnels, ratés dans le système de protection de la jeunesse, lanceur d’alertes et pesticides, modernisation du système de recyclage. À chaque fois, soit le gouvernement a réussi à juguler ces crises efficacement, soit il en est ressorti relativement indemne. Il faudra néanmoins surveiller sa capacité à mener à terme ces dossiers.

Or, plus on avance dans la réalisation d’un mandat, plus un gouvernement s’expose à gérer les aléas du quotidien au profit de son propre plan de match. Le gouvernement de la CAQ, lui, a très bien compris que s’il n’établissait pas de nouvelles priorités, d’autres s’imposeront d’elles-mêmes ou seront amenées par des groupes d’intérêts, les médias et les partis d’opposition. Qu’on pense ici à la lutte contre les changements climatiques, à la taxation des géants du Web ou à l’accès au système de santé.

On comprend aujourd’hui pourquoi les troupes caquistes ont elles-mêmes pris les devants pour occuper l’espace et rehausser leur propre leadership sur de nouveaux fronts : réforme de la police, protection et promotion de la langue française, prostitution juvénile.

Un mot sur l’équipe en place

À ce stade-ci, un remaniement du cabinet ne semble pas nécessaire et M. Legault n’entend pas abattre une telle carte aussi rapidement dans son mandat. Certes, des ajustements chirurgicaux ont été annoncés et une ministre a vu ses responsabilités allégées; mais pour le reste, ce gouvernement de néophytes performe relativement bien. Plus important encore, les caquistes ont relevé le défi de la cohésion, eux qui sont issus de divers horizons sur le spectre politique. Pas de clivages idéologiques ou de grands déchirements dans la députation. Au moment de leur élection, ces individus avaient pourtant très peu de choses en commun hormis cette irrésistible envie de déloger les libéraux du pouvoir.

Après un an, les mouvements s’observent davantage du côté des cabinets ministériels. Rien d’anormal dans les coulisses du pouvoir, un milieu exigeant et offrant très peu de stabilité. Phénomène plus surprenant : près du tiers des chefs de cabinet ont quitté l’aventure pour une raison ou une autre. Il faut dire que la première vague de ces conseillers de première ligne avait été imposée par l’entourage du premier ministre.

Des ministres hyperactifs…

Parmi les ministres qui multiplient les mandats, notons Jean-François Roberge, le ministre de l’Éducation, Pierre Fitzgibbon, le ministre de l’Économie, François Bonnardel, le ministre des Transports et, évidemment, le « superministre » Simon Jolin-Barrette qui hérite d’un portefeuille imposant, des missions périlleuses de son premier ministre, en plus de la tâche de coordonner les travaux parlementaires.

… et d’autres plus discrets

Bien que très efficace, la ministre de la Santé, Danielle McCann, demeure relativement discrète dans un casting à des lieues de son prédécesseur libéral. Au plus important portefeuille du gouvernement, elle respecte son engagement de ne pas administrer d’importantes réformes ou de prendre de grandes décisions appelées à bouleverser le fonctionnement du réseau de la santé. Tôt ou tard, les dossiers de la rémunération des médecins et du financement par activité finiront par la rattraper, mais d’ici là, plusieurs actions à petite échelle feront leur bout de chemin.

Encore plus effacée, la ministre de la Culture Nathalie Roy tarde à présenter son plan pour venir en aide aux médias d’information dont plusieurs se trouvent sous respirateur artificiel.

Il sera intéressant de voir l’évolution des relations entre M. Legault, un nationaliste affirmé, et le gouvernement fédéral qui sera élu dans les jours à venir.

365 jours plus tard, ce gouvernement a embrassé le changement. Il a marié des fédéralistes avec des souverainistes. Il a épousé de grandes réformes. Et entre le dépôt d’un projet de loi sur un nouveau mode de scrutin, un autre pour abolir les commissions scolaires et la proposition d’un nouveau pacte fiscal avec les municipalités, gageons qu’en ce 1er octobre, il prendra le temps de célébrer… ses noces de coton avec les Québécois.

Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal, Affaires publiques