Le Québec en campagne électorale : retour sur la 2e semaine
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Semaine étourdissante, où les histoires de candidats au Parti québécois et à la Coalition Avenir Québec ont occupé presque tout l’espace médiatique politique. En l’absence d’un enjeu principal fort qui diviserait les partis et les électeurs, ce sont les histoires périphériques qui occupent surtout l’attention des médias. Les engagements, quant à eux, ont surtout visé les régions et les aînés, grands gagnants de la semaine.
Le décès de Lise Payette a provoqué, on le comprend, une véritable éclipse médiatique qui fera certainement oublier un peu, aux yeux du public, cette semaine de gestions de crises politiques.
Michel Rochette
LE BON COUP DE LA SEMAINE :
CAQ : Le retour de l’ancien député Christian Dubé, vice-président de la Caisse de dépôt et placement, pour remplacer Stéphane Le Bouyonnec dans La Prairie. Indéniablement un candidat à forte valeur économique, son arrivée contribuera à ajouter de la crédibilité à la CAQ. L’engagement en faveur des proches aidants a obtenu un fort rayonnement dans les médias, bien que l’expulsion du candidat dans St-Jean ait brouillé certains messages de la semaine.
PQ : Contrairement à la première semaine où tout semblait aller rondement pour la caravane péquiste, cette deuxième semaine a été beaucoup plus ardue vu les nombreuses interférences liées aux candidats. Plusieurs annonces successives pour les régions (pêche, chasse, travailleurs saisonniers, décentralisation, transport) ont donc eu peu de reflets dans les médias nationaux, mais devraient rayonner dans les médias régionaux.
PLQ : Cette semaine, contrairement à la CAQ et au PQ, le PLQ n’a pas connu de problème avec ses candidats. Ne serait-ce que par défaut, il s’agit d’un bon coup. Notons également cette ouverture du chef Couillard face à une proposition d’une candidate caquiste, relativement au processus de nomination dans les CIUSSS. En pleine campagne, il est plutôt rare qu’un chef reconnaisse publiquement du mérite à l’idée d’un adversaire.
QS : Aucune distraction pour QS. Sur les réseaux sociaux, Gabriel Nadeau-Dubois a joué carte sur table cette semaine en indiquant que face à un autobus de journalistes maintenant vide (les deux journalistes qui y prenaient place ayant quitté), ils offraient les places disponibles à toutes les personnalités du web, désireuses de suivre leur campagne.
LA STRATÉGIE :
PLQ : Plusieurs ont remarqué le caractère à la fois prudent mais efficace de la campagne libérale : peu de sortie publiques, peu de risques de dérapage. Essentiellement une conférence de presse quotidienne, le matin, évitant ainsi la multiplication des déclarations qui pourraient brouiller le message du jour. Les attaques contre les adversaires sont laissées à des équipes de candidats, réservant au chef une approche positive.
PQ : Au-delà de la gestion difficile des candidats, cette semaine, M. Lisée a proposé une série d’annonces concrètes pour les citoyens en région, comme les amateurs de chasse et de pêche par exemple. Plus les enjeux touchés sont près des gens, plus la couverture locale est forte. On aura noté que Véronique Hivon était moins présente au côté de M. Lisée cette semaine, laissant à celui-ci davantage de visibilité et de contrôle sur ses messages.
CAQ : La campagne de la CAQ cherche à rester positive, malgré la semaine médiatiquement difficile. En se posant en victime des attaques adverses, le chef Legault pourrait chercher un capital de sympathie chez les électeurs plus cyniques. Comme pour les libéraux, les attaques de la CAQ ne viennent pas du chef, mais de candidats (comme Geneviève Guilbault cette semaine sur Gertrude Bourdon).
QS : les annonces de Québec solidaire visent à marquer l’imaginaire et à faire réagir : fin du financement des écoles privées, salaires minimum à 15 $, 38 nouvelles stations de métro à Montréal, interdiction future des véhicules à essence. Autant d’annonces qui percent les filtres médiatiques, malgré les faibles probabilités de prendre le pouvoir.
L’IMAGE :
PLQ : Les sorties publiques étant relativement peu nombreuses cette semaine, le chef libéral a pu maintenir un ton et une image au-dessus de la mêlée, alors que les dérapages de candidats ont mis sur la sellette MM. Legault et Lisée, s’affrontant un et l’autre.
CAQ : On a vu M. Legault à plusieurs reprises aux côtés de Marguerite Blais, très populaire chez les aînés. Dans le contexte de la semaine, le capital de sympathie qu’elle apporte sera certainement salutaire à la CAQ.
PQ : M. Lisée a marché sur des œufs toute la semaine, mais a réussi faire preuve d’un franc parler devant les médias. Les jours passés en région auront certainement contribué à ressourcer la caravane du chef.
QS : Beaucoup de visibilité pour Québec Solidaire. Ses co-chefs réussissent à capter l’attention tous les jours avec des engagements qui frappent l’imaginaire.
Julie-Anne Vien
LE BON COUP :
Trente-neuf jours de campagne, c’est l’art de gagner la journée et de dicter l’agenda. On a vu à quel point on peut perdre le ballon et le reprendre tout aussi rapidement. Au chapitre des bons coups, on remarque la capacité de François Legault à rebondir et à transformer une difficulté en bon coup. Après la démission de Stéphane LeBouyonnec, le chef de la CAQ annonce, 24 heures plus tard, le retour de Christian Dubé (qui devient le 37e membre de l’escouade économique).
Après un début de campagne plus tumultueux, le PLQ vogue cette semaine sur des eaux plus tranquilles. On sent Philippe Couillard en contrôle de l’agenda, son ton est rassurant et il ne dévie pas de son plan de match.
Pour sa part, Jean-François Lisée poursuit sa campagne à coup de formules imagées (il a le sens de la clip), prend des initiatives payantes dont la déclaration commune au moment où les négociations sur l’ALÉNA entrent dans une phase cruciale.
LA STRATÉGIE :
À défaut d’avoir une question à trancher ou un enjeu qui divise, la campagne électorale se transforme lentement en « festival des coups bas et des attaques ». Objectif : faire dérailler la campagne de l’autre. Mais attention, quand les jambettes ne sont pas bien calibrées, l’effet boomerang est rapide. Au plan de la stratégie, et à l’exception de Jean-François Lisée, on remarque le recours aux « goons » appelés à faire la « job de bras » et à préserver le chef qui doit rester au-dessus de la mêlée. Du « féminisme de façade » au fractionnement des contrats en passant par l’ingérence politique de la police dans la politique, à l’éthique élastique ou encore au manque de jugement des candidats, les hostilités sont officiellement lancées.
L’IMAGE :
Allégations de conduite avec les facultés affaiblies, fête (douteuse) de la Nain-Jean-Baptiste, prêt personnel contracté auprès d’un maire, tweets enflammés : le nombre grandissant de candidats qui font déraper momentanément les campagnes de leur chef et qui deviennent des distractions.
Guillaume Fillion
LE BON COUP :
Les élections de 2018, c’est une campagne nationale dont tout le monde entend parler chaque jour à chaque bulletin de nouvelles, mais c’est aussi 125 campagnes locales qui se déroulent en parallèle sans toujours avoir la couverture médiatique qu’elles mériteraient. Des candidats dévoués, allumés, renseignés, qui proposent des changements et des améliorations dans la vie des citoyens qu’ils veulent représenter. Je leur lève mon chapeau pour leur participation et leur dédie le bon coup de cette 2e semaine de campagne.
Au niveau national, le sceau de la CAQ continue de souffrir de la controverse d’Éric Caire et maintenant du candidat de Saint-Jean qui a été éjecté. M. Legault avait eu des problèmes à démontrer aux Québécois que son équipe de candidats était prête à gouverner en 2012 et en 2014 à cause de nombreuses controverses. La semaine qui vient de passer doit lui rappeler de mauvais souvenirs. Le PQ a aussi dû défendre un candidat qui finalement s’est désisté. Ces distractions des vrais enjeux frustrent les machines électorales des partis et mettent de l’ombre sur les engagements sérieux de ceux-ci. Beaucoup de journées perdues de part et d’autre à répondre à des controverses.
LA STRATÉGIE :
Le chef libéral a choisi de demeurer au-dessus de la mêlée sur les controverses des candidats CAQ et PQ. Est-ce que ça sera suffisant pour faire pencher le vote des électeurs qui sont assoiffés de changements? À suivre.
Du côté du PQ, M. Lisée continue avec un rythme effréné une campagne sous le signe de la bonne humeur et des grands rassemblements militants. Les commentateurs reconnaissent qu’il mène une bonne campagne, mais cela ne semble pas se transformer en intention de vote encore selon les sondages.
Quant à la CAQ, la panique commence sûrement à gagner l’équipe électorale suite à la baisse constatée dans les sondages et les sites de projections électorales. Cela résulte en des ajustements avec les candidats à l’interne et au sein des communications.
L’IMAGE :
Les controverses éthiques ont occupé beaucoup de place cette semaine au détriment des engagements des partis. Entre 2014 et 2018, les partis d’opposition à l’Assemblée nationale avaient diminué leurs interventions et sorties sur les scandales du parti au pouvoir ou de ses adversaires car ils s’étaient rendu compte que tout le monde finissait par être mis dans le même bateau aux yeux de la population. « Tous des pourris » que le public se disait. On assista alors au retour des débats d’idées et des critiques légitimes de certaines décisions gouvernementales. La multiplication des controverses éthiques en campagne électorale écœure les votants, et personne ne sait quel effet cela peut avoir sur le vote ou sur la participation pour chaque parti. Deux phénomènes peuvent arriver pour la suite : les partis retournent aux débats d’idées et de propositions, ou on assiste à une surenchère éthique de ceux qui sentent le tapis leur glisser sous les pieds ou de ceux qui sentent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Les trois principaux partis devront prendre des décisions.
SUIVEZ NOS EXPERTS CHAQUE SEMAINE DANS LES MÉDIAS :
Luc Ouellet : tous les vendredis après-midi à Mordus de politique sur Ici RDI et les mercredis au FM93
Julie-Anne Vien : sur les ondes d’Ici Radio-Canada Première au 106,3 Québec
——— Michel Rochette, anciennement Directeur et leader, secteur Environnement, énergie et mines au Cabinet de relations publiques NATIONAL
——— Guillaume Fillion était directeur, Affaires publiques au Cabinet de relations publiques NATIONAL