Le début d’un temps nouveau

Tel un funambule, François Legault a dû manœuvrer pour trouver le juste équilibre. Non pas que la recherche de la parité hommes/femmes représentait un défi particulier pour le nouveau premier ministre; la Coalition Avenir Québec comptant dans ses rangs un lot de 28 femmes députées au parcours intéressant. Le plus gros écueil de François Legault aura résidé dans l’équilibre entre la députation existante et les nouveaux venus dans une proportion 30 %/70 %, tout en jonglant avec des considérations géographiques étant donné les gains inespérés dans plusieurs régions du Québec.

Un autre critère semble avoir guidé les choix du premier ministre : des personnalités fortes dotées d’aptitudes de communication évidentes capables de porter le message gouvernemental.

Au final, l’exercice aura désigné 26 heureux, plusieurs déçus et deux sacrifiés : le policier Ian Lafrenière (Vachon) et Jean-François Simard (Montmorency), l’un des deux seuls ayant une expérience ministérielle.

De la prévisibilité…

Rien de plus prévisible chez le trio économique : le banquier Éric Girard (Finances), l’homme d’affaires Pierre Fitzgibbon (Économie) et l’ex-vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec Christian Dubé (Conseil du trésor) atterrissent là où on les attendait. Trois néophytes en politique, mais à la feuille de route bien garnie. Leurs chefs de cabinet sont dignes de la coalition arc-en-ciel : Denis Dolbec et Alexandre Ramacieri issus de la famille péquiste et la libérale Marie-Ève Bédard. Selon toute vraisemblance, trois nouveaux sous-ministres entreront en scène. Quant à la gestionnaire Nadine Girault (Bertrand), elle prend les commandes des Relations internationales avec un mandat économique : revoir le rôle des délégations du Québec.

Le casting de l’équipe sociale était tout aussi prévisible. Danielle McCann (Sanguinet) hérite de la Santé et sera secondée par le neurologue spécialisé dans la petite enfance, Lionel Carmant (Taillon), et de Marguerite Blais (Prévost) promise aux Aînés. Les qualités de gestionnaire de McCann seront mises à rude épreuve pour diriger une organisation composée de plus de 300 000 personnes. Pour débuter son mandat, Mme McCann aura à jouer un rôle clé avec son collègue Christian Dubé, notamment avec la renégociation de l’entente avec les médecins spécialistes. À l’Éducation, l’enseignant Jean-François Roberge (Chambly), une étoile montante de la CAQ, rafle la mise et règnera sans partage, hormis le volet des loisirs et du sport qu’il cède à Isabelle Charest (Brome-Missisquoi). Il laisse sur les banquettes arrières l’universitaire Claire Isabelle (Huntingdon) que plusieurs voyaient à l’Enseignement supérieur.

… et quelques surprises!

La plus grande surprise : l’Énergie et les Ressources naturelles incombent au comptable Jonatan Julien (Charlesbourg), l’ancien numéro 2 de l’administration Labeaume avant qu’il ne claque la porte. Pierre-Yves Boivin, un ancien du CN, d’Énergir et de la Fédération des chambres de commerce du Québec, dirigera son cabinet, et Dominique Savoie demeure en selle comme sous-ministre. À l’Environnement, un choix audacieux : MarieChantal Chassé (Châteauguay), PDG d’une entreprise œuvrant dans le domaine de l’aérospatiale, tout comme Andrée Laforest (Chicoutimi) qui évoluait dans le milieu de la petite enfante qui met la main sur les Affaires municipales.

Éric Caire (La Peltrie), qui a été plongé dernièrement dans une controverse éthique, accède au Saint des saints. L’informaticien de formation hérite de la Transformation numérique gouvernementale, le dossier des ressources informationnelles qu’il a longtemps détenu lors de son séjour dans l’opposition. On lui adjoint comme directrice de cabinet, l’ex-candidate dans Jean-Talon et stratège numérique, Joëlle Boutin. Aux Transports, place au tandem François Bonnardel (Granby) / Chantal Rouleau (Pointe-aux-Trembles). Véronik Aubry, qui a œuvré sous Line Beauchamp, reprend du service pour épauler le vétéran Bonnardel.

L’Immigration et l’Agriculture, deux ministères généralement effacés, seront parmi les plus surveillés au cours de cette législature. Leur titulaire, Simon Jolin-Barrette (Borduas) et André Lamontagne (Johnson), devront respectivement piloter la diminution des seuils d’immigration et les brèches dans la gestion de l’offre, gracieuseté du nouvel accord canado-américain. Jolin-Barrette, 31 ans, incarnera un ténor de ce gouvernement en occupant la fonction de leader parlementaire, tout comme Sonia LeBel (Champlain) qui a obtenu le poste qu’elle convoitait, la Justice doublée des Affaires intergouvernementales.

Le pouvoir au 450

Clairement, le « 450 » ressort grand gagnant de l’opération. Les gros portefeuilles (Finances, Conseil du trésor, Économie, Santé et Éducation) sont distribués à des titulaires des couronnes nord et sud de la région métropolitaine, là où la CAQ avait logé ses grosses pointures. Le fameux 450 compte 13 ministres, soit 50 % des sièges disponibles autour de la table. À l’inverse, le poids politique de Montréal est largement affaibli, la plus grande ville du Québec comptant une seule ministre, Chantal Rouleau (Pointe-aux-Trembles). La Capitale-Nationale en comptera trois dont Geneviève Guilbault, décorée du titre de vice-première ministre.

« Obtenir l’adhésion »

Prêt à « marquer l’histoire », ce gouvernement du changement – celui qui met un terme à une alternance de 50 ans entre libéraux et péquistes – aura beaucoup de pain sur la planche et devra naviguer à travers des attentes élevées de la population. Un gouvernement du renouveau composé de femmes et d’hommes expérimentés pour pallier une inexpérience ministérielle. « Des visages neufs pour poser un regard neuf », comme l’a mentionné le premier ministre en vue de réaliser trois grandes priorités : éducation, économie et santé. Le premier ministre demande à ses ministres de gouverner avec « proximité, humanité et ouverture », une approche qui doit devenir la « marque de commerce » de ce gouvernement, mais surtout en « obtenant l’adhésion du plus grand nombre », y compris de la fonction publique.

Voilà une brève incursion dans ce nouveau gouvernement.

Votre conseiller se fera un plaisir de vous le faire découvrir davantage.

Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal, Affaires publiques

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