François Legault : le grand équilibriste
LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson
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Pour un premier ministre, la formation de son conseil des ministres est loin d’être un exercice facile. On peut imaginer le travail de François Legault au cours des derniers jours où, avec son équipe, il devait composer avec toutes sortes de considérations aussi complexes les unes que les autres : parité hommes femmes, répartition régionale, loyauté envers certains collègues, etc. S’ajoutait à cette complexité le fait qu’il devait faire son choix parmi 89 élus répartis partout sur le territoire du Québec. Un vrai numéro d’équilibriste. Le résultat : un conseil des ministres de 30 membres, dont 16 hommes et 14 femmes.
Des retours, quelques nouveaux venus et des surprises
Lors de la campagne, François Legault avait déjà annoncé le retour de quelques piliers de son premier gouvernement. On savait déjà que les Eric Girard aux Finances, Sonia Lebel au Conseil du trésor, Christian Dubé à la Santé, et Pierre Fitzgibbon, cette fois dans un ministère regroupant l’Économie, l’Innovation, l’Énergie et le Développement économique régional, allaient retrouver leurs postes.
Les Simon Jolin-Barrette à la Justice et Leader du gouvernement, Lionel Carmant aux Services sociaux, Ian Lafrenière aux Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Andrée Laforest aux Affaires municipales, Isabelle Charest au Sport, Loisirs et Plein air, André Lamontagne à l’Agriculture, Caroline Proulx au Tourisme et Éric Caire à la Cybersécurité retrouveront, à peu de choses près, leurs ministères d’avant l’élection du 3 octobre. Il reconduit aussi Benoit Charrette à l’Environnement, lui ajoutant la responsabilité de la Faune et des Parcs.
La vice-première ministre, Geneviève Guilbault hérite maintenant du ministère des Transports où elle pilotera le controversé dossier du troisième lien à Québec. À court terme, elle devra aussi gérer le dossier du pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine qui risque de causer bien des maux de tête aux Montréalais pour les trois prochaines années.
Bernard Drainville se retrouve à l’Éducation où les défis ne manqueront pas. Une surprise à l’Enseignement supérieur où la recrue Pascale Déry devient ministre. Le duo Drainville-Déry ne devra pas faire mentir le premier ministre pour qui l’éducation est une priorité absolue.
Mathieu Lacombe, habile communicateur, se retrouve au ministère de la Culture et des Communications, et il hérite aussi du portefeuille de la Jeunesse.
Jean-François Roberge perd l’Éducation pour devenir le tout premier ministre de la Langue française, responsable de l’application de la loi 96. Reconnu comme faisant partie de l’aile très nationaliste de la Coalition avenir Québec (CAQ), sa nomination comme ministre responsable des Relations canadiennes laisse entrevoir des débats houleux avec le fédéral.
François Bonnardel aura la responsabilité de la Sécurité publique. Un rôle particulièrement complexe alors que les crimes violents font régulièrement la manchette à Montréal depuis un an.
Jean Boulet conserve le ministère du Travail, tout en étant dépouillé de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de l’Immigration.
Jonathan Julien hérite d’un nouveau ministère soit celui des Infrastructures, dont le rôle reste à définir. Il sera aussi responsable de la région de la Capitale-Nationale où il devra refaire les ponts avec le maire Bruno Marchand, notamment dans les dossiers du troisième lien et du tramway.
Chantale Rouleau, seule élue de l’île de Montréal au conseil des ministres, est maintenant responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire. Elle perd toutefois la responsabilité de la Métropole.
Parmi les nouveaux venus, il faut mentionner l’ancienne journaliste de Radio-Canada, Martine Biron, qui se retrouve au ministère des Relations internationales et de la Francophonie, Christine Fréchette à l’Immigration, la Francisation et l’Intégration, qui aura la difficile tâche de réparer les pots cassés lors de la campagne électorale, Suzanne Roy sera à la Famille et Sonia Bélanger sera ministre déléguée à la Santé et aux Aînés. Kateri Champagne Jourdain sera quant à elle ministre de l’Emploi où elle devra composer avec l’épineux dossier de la pénurie de main-d’œuvre. Elle devient aussi la première femme membre des Premières Nations à accéder au conseil des ministres.
Trois surprises. France-Élaine Duranceau, nouvelle députée de Bertrand, devient ministre responsable de l’Habitation en pleine crise du logement. Maïté Blanchette-Vézina, députée de Rimouski, hérite des Ressources naturelles et des Forêts, et Christopher Skeete, représentera Laval comme ministre délégué à l’Économie et responsable de la Lutte contre racisme.
Deux ministres du précédent cabinet sont évincés. Il s’agit de Lucie Lecours et Pierre Dufour. À noter que l’Abitibi-Témiscamingue et la Gaspésie ne compteront pas de ministres.
Nathalie Roy, ancienne ministre de la Culture et des Communications, deviendra vraisemblablement la seconde femme présidente de l’Assemblée nationale. Sa nomination surviendra le 29 novembre à l’ouverture de la chambre.
Les défis
Alors que les nuages noirs d’une récession pointent à l’horizon, que les citoyens sont pris avec une inflation jamais vue depuis les années 80 et que notre système de santé démontre une fois de plus sa grande vulnérabilité, le nouveau gouvernement de François Legault devra rapidement se mettre au travail et ce ne sont pas les dossiers chauds qui manqueront. C’est sans doute pourquoi François Legault a décidé de garder intacte sa garde rapprochée et de nommer des gens d’expérience à des postes clés.
Il s'est aussi engagé à créer un comité sur l'économie et la transition énergétique où siégeront les ministres de l'Économie, des Finances, de l'Environnement, des Relations avec les Premières Nations et la présidente-directrice générale d'Hydro-Québec, Sophie Brochu. La création de ce comité est en droite ligne avec la volonté de son gouvernement de combiner environnement et développement économique, un mantra maintes fois répété lors de la campagne électorale.
Le premier ministre envoie aussi un message important à la communauté anglophone en confiant à son ministre des Finances, Eric Girard, la responsabilité des Relations avec les Québécois d’expression anglaise et en nommant Christopher Skeete comme ministre. L’absence de ministres de premier plan en provenance de Montréal est aussi largement compensée par la nomination de Pierre Fitzgibbon comme responsable de la Métropole.
Bien sûr, plusieurs élus, qui croyaient avoir droit à la limousine de fonction, ont dû rentrer à la maison par leurs propres moyens. Le défi pour le premier ministre et son équipe sera de garder ses troupes de bonne humeur. Comme il l’a dit lors de l’assermentation de ses députés, il ne tolérera pas la chicane au sein de son parti. Il veut éviter une autre histoire à la Claire Samson qui avait claqué la porte de son caucus pour devenir la seule députée du Parti conservateur du Québec.
Mais en fin de compte, ce conseil des ministres sera jugé sur sa capacité à bien gérer les enjeux qui se présenteront devant lui. Et seul le temps saura le dire. Le premier ministre Legault a tout de même réussi à former un conseil des ministres combinant expérience et nouveauté, un conseil des ministres qui somme toute est en phase avec les défis actuels du Québec. Avec la pandémie qui a mis sur pause plusieurs projets qui lui étaient chers lors de son premier mandat, François Legault pourra enfin s’attaquer à ce pour quoi il a décidé de revenir en politique en fondant la CAQ il y a plus de dix ans. Avec son nouveau conseil des ministres, il y a fort à parier qu’il pense maintenant avoir toutes les cartes en main pour réussir.