Au nom de la majorité

La question n’est pas de savoir qui formera le prochain gouvernement, mais combien de sièges la Coalition Avenir Québec récoltera le 3 octobre prochain.

Il suffit de regarder les profils et l’envergure des candidatures annoncées pour comprendre qui domine outrageusement la scène politique et qui possède le momentum.

Signe que les sondages sont favorables, la CAQ fait le plein de candidatures d’envergure ou solidement enracinées dans leur communauté : les Bernard Drainville (Lévis), Caroline St-Hilaire (Sherbrooke), Suzanne Roy (Verchères), Yves Montigny (René-Lévesque), Audrey Murray (Maurice-Richard), Pascale Déry (Repentigny), Sonia Bélanger (Prévost) et le candidat pressenti Jonathan Lapierre (Îles-de-la-Madeleine), illustrent éloquemment un parti capable de recruter des candidatures à la notoriété établie ou avec des expertises de pointe. La CAQ envoie aussi le message qu’elle ambitionne de faire des percées dans des régions où elle n’est pas représentée.

Du côté du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, les annonces qui tardent à se matérialiser – même dans les forteresses – sont aussi révélatrices des difficultés que connaissent les « vieux partis ». Certes, on peut remarquer des profils intéressants, mais les grosses pointures ne sont pas légion.

En raison d’appuis concentrés dans la grande région de Québec, le Parti conservateur d’Éric Duhaime pourrait jouer les trouble-fêtes. Pourra-t-il remporter plus d’un siège? Cela reste à voir. Chose certaine, cette division du vote entre la CAQ et le PCQ pourrait permettre à Québec solidaire de se faufiler et de conserver ses deux comtés dans le centre-ville de Québec, là où l’opposition au troisième lien est la plus vive.

Québec solidaire fera face à un double défi : maintenir ses acquis, mais aussi améliorer son sort avec une députation qui a toujours grandi d’élection en élection. Le parti de Gabriel Nadeau-Dubois voudra sans doute concentrer ses efforts à Montréal ainsi que dans les bastions à proximité des campus universitaires, là où sont concentrés les jeunes plus enclins à voter pour les solidaires.

Les raisons derrière le succès de la CAQ

À quelques jours du déclenchement des élections, revenons sur les éléments qui expliquent le succès du gouvernement Legault.

Après avoir réussi à essouffler l’axe souverainiste-fédéraliste sur lequel les Québécois se définissaient autrefois, voilà que François Legault a tiré avantage d’un impressionnant repositionnement politique, lui dont le parti représentait jadis la frange la plus à droite. Avec la renaissance du Parti conservateur du Québec, depuis le couronnement d’Éric Duhaime, et avec la migration vers la gauche des libéraux, la Coalition Avenir Québec occupe désormais le plein centre de l’échiquier politique, là où elle fait le plein d’électeurs. François Legault pourrait difficilement rêver à une meilleure posture.

La lune de miel qui se prolonge repose aussi sur le nationalisme nappé de la sauce caquiste : laïcité, langue française, immigration. Bien qu’elles puissent diviser, voire polariser, il n’en demeure pas moins que les politiques identitaires de la CAQ se trouvent au diapason d’une majorité. Nous y reviendrons.

Mais quoi qu’en pense le premier ministre, les succès de sa Coalition et sa domination dans l’opinion publique sont aussi attribuables à des composantes externes et reposent sur les tribulations de quatre partis en quête d’existence. Actuellement, le vote d’opposition est presque uniformément réparti entre les différentes formations, si bien qu’aucune d’entre elles ne réussit à dépasser le cap des 20 % ou à se trouver dans une zone compétitive qui se traduirait en sièges. Conséquence : même avec un appui de 40 % – soit un niveau comparable aux 37 % qu’elle avait obtenus en 2018 – la CAQ pourrait mettre la main sur 80 % des circonscriptions.

La campagne n’est pas encore commencée, aussi pourrait-elle réserver des surprises. Cela étant dit, si le chemin de la victoire se matérialise pour la CAQ, François Legault pourrait accomplir un double exploit le 3 octobre prochain :

  • Franchir la barre des 100 sièges sur les 125 que compte l’Assemblée nationale, soit une performance similaire à celle de Robert Bourassa, qui en avait raflé 99 à l’élection de 1985
  • Devenir le premier parti à remporter, depuis 1998, deux mandats majoritaires consécutifs

Mais attention, François Legault a aussi des raisons de s’inquiéter d’un phénomène que toutes les formations politiques redoutent : le « trop haut, trop tôt ». Amorcer la période préélectorale avec un niveau d’appui stratosphérique comporte son lot de défis. D’abord, la CAQ fera l’objet d’un tir groupé des autres formations politiques, qui en feront leur principale, sinon unique cible. Ensuite, les médias seront certainement plus coriaces envers celles et ceux qui risquent de s’emparer de la plupart des sièges disponibles à l’Assemblée nationale!

Avec la controverse entourant ses publicités préélectorales, les enjeux de la fonderie Horne et une recrudescence des cas de COVID-19 en plein été, la CAQ connaît une période estivale passablement mouvementée. Mais les sondages publiés ce matin montrent que ces événements n’ont eu aucun impact sur l’humeur des Québécois.

Au printemps dernier, on se rappellera que le premier ministre Legault a plaidé pour un « mandat fort » à l’instar de celui obtenu dernièrement par son homologue ontarien et ami, Doug Ford. Or, lorsque la volonté de changement est faible et que l’issue d’une l’élection est passablement connue, les électeurs ont tendance à rester à la maison le jour du vote. Suivant une tendance inéluctable, le taux de participation risque d’être famélique. Il risque surtout de compromettre, sur le plan des suffrages exprimés, le mandat fort réclamé.

Minorités et majorité

Pour ratisser le plus large électorat et au risque de déplaire aux minorités linguistiques et culturelles de la province, François Legault se proclame défenseur de la majorité avec le succès que cela lui procure.

Si les gouvernements ont l’obligation constitutionnelle de protéger les droits des minorités, cette approche peut, sur le plan politique, entraîner des répercussions. Parlez-en aux libéraux de Philippe Couillard, qui ont essuyé une défaite historique en 2018 et qui, encore aujourd’hui sous Dominique Anglade, souffrent visiblement d’une déconnexion avec l’électorat francophone.

Au nom de la majorité des Québécois, clame-t-il, François Legault ne manque jamais une occasion de revendiquer auprès de Justin Trudeau de nouveaux pouvoirs en immigration à défaut de quoi le Québec pourrait, selon lui, connaître le même sort que la Louisiane. Il exhorte chacun des partis politiques à Ottawa à ne jamais contester la loi 21 devant les tribunaux. Il donne un coup de barre à la loi 101. Il n’hésite pas à recourir à la clause dérogatoire.

Ce faisant, François Legault a choisi de courtiser la majorité pour obtenir… une plus grosse majorité.

À l’aube de cette campagne électorale, l’équipe de NATIONAL a prévu toute une série de contenus et de rendez-vous pour décortiquer et analyser ce marathon vers le 3 octobre. Pour ne rien manquer de cette campagne, suivez-nous sur nos différentes plateformes ou encore contactez votre conseiller chez NATIONAL qui se fera un plaisir de vous guider dans cette aventure électorale.

Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal, Affaires publiques

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Élection d’un gouvernement majoritaire de la Coalition Avenir Québec
02 octobre 2018