Destination octobre 2022
Crédit photo : La Presse Canadienne/Jacques Boissinot
Le compte à rebours est lancé. Les priorités sont connues. Les projets ne manquent pas d’ambition.
Dans un discours qui a toutes les apparences d’une rampe de lancement électorale, le premier ministre François Legault jette les bases d’une petite révolution dans les services publics et dans la manière de concevoir l’État.
En rafale
Le plat de résistance : la santé
- Vaste décentralisation du système de santé vers les régions
- Abolition du temps supplémentaire obligatoire en revoyant en profondeur la gestion des ressources humaines
- Invitation aux médecins de respecter les ententes pour la prise en charge de patients à défaut de quoi le gouvernement pourra légiférer
- Poursuite du projet de développement des maisons des aînés
- Mandat à la Commissaire à la santé et au bien-être pour se pencher sur les soins à domicile
- Changements importants au niveau de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) à la suite du dépôt du rapport Laurent
Un État plus numérique
- Meilleure gestion des données pour faciliter la prise de décision
- Accélération de la transformation numérique
- Création d’un Ministère de la Cybersécurité et du Numérique
- Citoyenneté numérique pour simplifier notre manière de transiger avec l’État
- Internet haute vitesse dans toutes les régions d’ici la fin du présent mandat
Éducation et famille
- Lancement de l’offensive pour créer 37 000 places en services de garde
- Engagement pour que tous les parents aient accès à une place subventionnée
- Bonification du crédit d’impôt aux parents
- Taux de diplomation : objectif de 90 %
- Ajout de stages en formations professionnelles
- Cinq heures de plus par semaine au niveau secondaire pour l’aide aux devoirs et aux activités parascolaires
- Investissements importants au niveau des établissements postsecondaires
- Aide à la requalification dans les secteurs dits « essentiels »
Mise en place d’une « nouvelle économie »
- Soutien aux entreprises qui souhaitent favoriser l’achat local plutôt que l’importation
- Priorisation d’initiatives pour favoriser l’autonomie alimentaire
- Soutien aux entreprises privées pour atteindre la cible de 100 000 travailleurs qualifiés dans les domaines de la construction, des technologies de l’information et du génie
- Plan de transfert de milliers d’emplois de la fonction publique en région
Environnement
- Réduction des GES de 37,5 % par rapport à 1990 d’ici 2030 et atteinte de la carboneutralité en 2050
- Le Québec renonce définitivement à extraire des hydrocarbures sur son territoire
- Création de trois pôles mondiaux en transport électrique, en gestion des batteries et en production d’hydrogène vert
Culture et identité
- Remplacement du cours d’Éthique et culture religieuse par un cours sur la culture et la citoyenneté québécoise dans les écoles
- Création d’une politique nationale d’architecture pour embellir des villes
- Renforcement et promotion de la langue française
- Inscription du français comme langue officielle du Québec dans la constitution
Analyse politique
François Legault veut se « projeter dans l’avenir ». Comprendre ici qu’il se projette dans un avenir qui va bien au-delà de la présente législature.
Difficile d’y voir autre chose qu’un exercice à saveur politique ou électoraliste quand le premier ministre proroge une session dont les travaux avaient repris... le mois dernier !
Que ce soit par la transformation du réseau de la santé, le coup de barre en éducation, une nouvelle vision économique axée sur l’achat québécois ou la complétion du réseau de la petite enfance; les chantiers s’échelonneront sur plusieurs années. Sous-entendu : François Legault aura besoin d’un deuxième, voire d’un troisième mandat, pour mener à bien toutes ces réformes.
Après avoir mis en veilleuse son projet de réformer l’État québécois – au cœur de la fondation de la Coalition avenir Québec – la CAQ revient à son ADN premier en voulant s’attaquer au modèle québécois « qui craque de partout » pour reprendre les récentes manchettes de journaux. La rareté de la main-d’œuvre combinée aux leçons apprises de la pandémie légitimisent le gouvernement Legault dans le remède de cheval qu’il souhaite administrer. Les esprits avaient été bien préparés.
En santé, « le système a montré ses limites » reconnait un François Legault très lucide qui promet une vaste décentralisation du réseau de la santé. Il sera intéressant de suivre les contours de cette décentralisation considérant que le gouvernement a beaucoup centralisé la prise de décisions dans les trois premières années de son mandat. De quoi rappeler la réforme Barrette qui caressait les mêmes objectifs...
Sur le plan économique, François Legault maintient son approche nationaliste. Une politique d’achat québécois destinée à favoriser les produits « fabriqués au Québec » sera lancée.
Par ailleurs, on sent que le premier ministre veut s’affranchir de la gestion de la pandémie qui aura teinté les 20 derniers mois, mais son intention de maintenir l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la fin de la campagne de vaccination des 5 à 11 ans illustre à quel point un gouvernement finit par se complaire d’une « gouvernance par décret » en faisant abstraction des garde-fous et des contre-pouvoirs. Ceci dit, en faisant miroiter la fin de l’état d’urgence sanitaire, il tente à la fois d'apaiser les critiques qui viendront des oppositions et de générer l’espoir au sein d’une population épuisée des mesures en place.
Avis aux ministres du gouvernement Trudeau qui seront assermentés la semaine prochaine, François Legault garde le cap. Respect des compétences exclusives, transferts en santé sans condition et pouvoirs en immigration seront au cœur de discussions qu’on peut anticiper laborieuses, voire houleuses.
Au final, pour quiconque suit attentivement la scène politique et l'actualité gouvernementale, ce discours réserve bien peu de surprises. Les priorités avaient été, pour la plupart, ébruitées ici et là. M. Legault use de sa toute-puissance pour dicter les priorités et imprimer son agenda à un moment où il domine outrageusement dans les sondages et où les partis d’opposition sont confinés à des appuis faméliques.
Contrairement aux autres premiers ministres avant lui, François Legault n’avait pas besoin de ce discours inaugural pour faire table rase, rompre avec le passé et se présenter sous un nouveau jour. Mais, à 349 jours de la prochaine élection, il pouvait difficilement passer à côté d’une si belle occasion de présenter son bulletin et de faire son autopromotion.
Ce que ce discours signifie pour vous
Pour toute organisation voulant engager un dialogue avec le gouvernement, ce discours inaugural devient un document sur lequel il faut se référer pour se coller aux nouvelles priorités.
Trop souvent, des organisations cherchent à vendre au gouvernement des services ou des produits dont il n’a pas besoin. D’autres lui présentent des demandes pour lesquelles il a un faible appétit. Entre ses priorités et les vôtres, un gouvernement choisira toujours les siennes.
En lieu et place, il faut décoder les non-dits de ce discours et voir de quelle façon nous pouvons traduire la vision gouvernementale et permettre à l’équipe en place d’atteindre ses objectifs.
En cette manière, ce discours inaugural est fécond en nouvelles occasions. Pour saisir les vôtres, consultez l’équipe d’experts en affaires publiques et en relations gouvernementales de NATIONAL.