Budget 2023 du Québec : les promesses d'abord

Quelques chiffres et faits saillants

  • La croissance économique prévue pour 2023 est estimée à 0,6 % et 1,4 % en 2024.
  • Des dépenses de 147,9 G$ pour 2023-2024, une hausse de 0,7 %. La hausse prévue est de 2,4 % en 2024-2025.
  • Une provision pour éventualité de 1,5 G$ pour cette année et 1 G$ pour l’année prochaine.
  • Un déficit de 4 G$ prévu pour le présent exercice, après versement au Fonds des générations.
  • Un retour à l’équilibre budgétaire prévu pour 2027-2028.
  • La dette nette s’établira à 37,4 % du PIB en 2023 et sera réduite graduellement d’ici 2027-2028 à 35,8 %, et à 30 % en 2038.
  • Au total, le budget prévoit des investissements de 24,5 G$ d’ici 2027-2028, dont 12,1 G$ pour créer de la richesse et accroître le potentiel économique du Québec.

Analyse

Un Québec engagé

Le titre qui coiffe ce cinquième budget du ministre des Finances n’est certainement pas anodin. « Engagé » fait naturellement penser à « engagements ». Et à la lecture du plan budgétaire de 472 pages, on comprend que l’exercice d’aujourd’hui servait à transposer la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec dans les colonnes de chiffres du ministère des Finances.

Alors que l’économie tourne au ralenti et que les risques de récession montent, ce sont les contribuables – étranglés par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt – qui obtiennent la part du lion de la marge de manœuvre dont disposait le ministre des Finances. De généreuses baisses d’impôts pouvant atteindre 814 $ pour une personne seule et 1627 $ pour un couple.

En pleine saison des impôts, 4,6 millions de Québécois seront heureux d’apprendre que les deux premiers taux d’imposition seront abaissés de 1 point de pourcentage. « 90 % de ces personnes gagnent moins de 100 000 $ par année », s’est empressé de dire le ministre Girard anticipant la critique voulant que cette baisse d’impôt bénéficie surtout aux plus nantis. Le ministre a aussi promis que cet allègement fiscal n’aura « aucun impact sur les services ».

La baisse d’impôts sera financée par la croissance économique et un report de 10 à 15 ans de l’atteinte de la cible de la dette par rapport au PIB. Autrement dit, en diminuant les versements au Fonds des générations.

Dernièrement, le premier ministre François Legault se disait prêt à « puiser dans sa réserve de courage » afin de réaliser certaines de ses ambitions. Il a visiblement choisi de ne pas le faire : ce budget ne contient aucune mesure qui pourrait indisposer qui que ce soit.

Avec une écrasante majorité de 89 députés, un haut niveau de popularité dans l’électorat et des oppositions décimées, le gouvernement – qui débute la première année de son deuxième mandat – aurait pu se permettre des mesures impopulaires ou courageuses. Or, il a choisi la stratégie inverse en présentant dès l’an 1 du mandat une « feuille de route pour respecter nos engagements ».

À l’abri d’une récession?

Une phrase surprend dans le budget : « une récession n’est pas prévue au Québec ». Une confiance qui explique sans doute pourquoi très peu de mesures de stimulation économique destinées aux secteurs clés de l’économie québécoise ont trouvé place dans ce budget. Bien sûr, on note le nouveau congé fiscal pour les grands projets d’investissement (373 M$ sur cinq ans) et quelques mesures pour les secteurs bioalimentaire, forestier, touristique; mais rien de grandiose.

Certes, le gouvernement annonce une provision pour éventualités (1,5 G$) si jamais la situation économique devait se détériorer, mais cela demeure une enveloppe relativement modeste par rapport à l’instabilité et à l’incertitude qui nous guettent.

Alors que l’urgence climatique est bien réelle et que les efforts de décarbonation doivent s’accélérer, le gouvernement ne prévoit pas de nouvelles initiatives pour encourager la transition énergétique. À l’heure où l’approvisionnement en énergie demeure critique pour les industries, le budget apporte bien peu de réponses. Les mesures environnementales concernent essentiellement la création du Fonds bleu et la mise en œuvre du Plan Nature 2030 pour protéger la biodiversité.

Efficacité de l’État : la CAQ retrouve son ADN

Dans son premier mandat, la CAQ – qui rêvait jadis de réformer l’État – avait mis son projet en jachère le temps de gérer les surplus hérités du gouvernement libéral. Mais avec la pandémie qui a plombé les revenus de l’État et une décélération de l’économie à 0,6 % en 2023, la CAQ préconise des gains d’efficacité et d’efficience à hauteur de 1,5 G$. Un choix politiquement plus intéressant que de s’aventurer dans une politique d’austérité.

Le plan québécois des infrastructures continue d’exploser avec 150 G$ d’investissements sur 10 ans. Depuis l’arrivée de la CAQ au pouvoir, il a bondi de 50 % ou 49,6 G$. D’un autre côté, avec les pressions inflationnistes et la surchauffe dans l’industrie de la construction, tous reconnaissent qu’il en coûte plus cher pour financer les projets d’infrastructures déjà retenus par le Gouvernement. Et dans un contexte de ralentissement économique, l’accélération des projets d’infrastructures demeure assurément un levier de stimulation à privilégier.

Avec ce cinquième budget, le gouvernement caquiste a fait son nid. Entre les intérêts de tout un chacun et les turbulences économiques qui auraient pu changer l’ordre des priorités, il a choisi les promesses d’abord.

Principales mesures

Mesures fiscales et budgétaires majeures

  • Des baisses d’impôts totalisant 9,2 G$ d’ici 2027-2028 pour les contribuables, rendues possibles par la baisse des deux premiers taux d’imposition de 1 point de pourcentage : 4,6 millions de Québécois en bénéficieront.

  • Un nouveau congé fiscal pour les grands projets d’investissement de 373 M$ pour la réalisation de 100 nouveaux projets d’investissement qui généreront des retombées de 24 G$ (jusqu’à 25 % des investissements admissibles). Le nouveau congé élargit les secteurs qui pourront en bénéficier (agroalimentaire, foresterie, extraction de minéraux critiques et stratégiques, transport, information et industrie culturelle, arts, services professionnels). De nombreux secteurs en sont exclus dont les secteurs de l’aluminium et de la construction. À l’égard de l’aluminium, le gouvernement précise qu’il poursuit ses analyses et que le statut de ce dernier secteur pourrait être réévalué.

  • Pour accueillir les projets d’investissement d’envergure, notamment ceux de la filière batterie, le Québec a besoin de terrains industriels d’envergure. 40,0 M$ seront alloués à l’attraction de ces projets et 135,5 M$ pour la mise en valeur des terrains industriels. Une modification au Régime des rentes du Québec pour favoriser le maintien en emploi des personnes de 65 ans et plus, sans report de l’âge de la retraite.

Mesures sectorielles

Développement régional

  • Un montant de 1,4 G$ sur cinq ans est prévu pour appuyer la prospérité des régions et stimuler la vitalité régionale (secteurs : bioalimentaire, tourisme, forestier et minier).
  • Le congé fiscal pour grands projets : traitement différencié pour les projets en région et les régions dévitalisées (jusqu’à 25 % de l’investissement).
  • Développement et mise en valeur de nos attraits touristiques : 153,1 M$ sur cinq ans et développement du tourisme d’affaires.
  • Investissement dans le secteur sylvicole (98 M$).
  • Poursuite du développement des zones d’innovation (100 M$ sur cinq ans) et du Plan Nord (90 M$ sur cinq ans).

Main-d’œuvre

  • Des initiatives totalisant 615 M$ sur six ans pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre par une meilleure intégration des personnes immigrantes. Ce montant est en appui à Francisation Québec et aux formations de courte durée priorisées par la Commission des partenaires du marché du travail.

Éducation

  • 1,5 G$ sur cinq ans pour accroître la persévérance scolaire, améliorer le réseau, rendre la formation professionnelle attrayante et rehausser l’entretien du parc immobilier.
  • Un montant de 717 M$ sur cinq ans pour favoriser l’accès, la persévérance et la diplomation aux études supérieures.
  • 88 M$ pour soutenir la pratique des sports et activités physiques.

Santé et services sociaux

  • Un montant global de 5,6 G$ de dollars pour rendre le réseau de la santé plus performant et plus humain, dont plus de 2,2 G$ pour adapter le secteur aux réalités post-pandémie (centres de vaccination et de dépistage, réduction des listes d’attente en chirurgie), 717 M$ pour ouvrir de nouvelles cliniques d’accès de première ligne, le développement de la plateforme Votre santé et l’instauration d’un service de transport médical par hélicoptère.
  • 2 G$ pour les aînés (pérennité des services dans les résidences privées, soutien à domicile, maisons pour aînés et harmonisation CHSLD publics et privés).
  • 565 M$ sur cinq ans pour soutenir les personnes les plus vulnérables (santé mentale et itinérance, jeunes en difficulté, violence armée et violence sexuelle) dont 194 M$ sur cinq ans pour soutenir le secteur communautaire (dont 40,8 M$ pour prolonger de trois ans le soutien de la mission globale).
  • 211 M$ pour la santé mentale et 124,6 M$ pour offrir un accès gratuit au vaccin contre le zona.
  • Mise en place de l’agence Santé Québec dès 2024 (60 M$ sur deux ans pour la transition).
  • Parer l’inflation : un montant de 125 M$ sur cinq ans destiné en partie aux organismes communautaires.
  • Renforcer les soins et services pour les jeunes en difficulté (110 M$ sur cinq ans).
  • Appui additionnel aux sciences de la vie : un montant de 12 M$ dans BioMed Propulsion.

Énergie

  • Un montant de 32 M$ sur trois ans en appui aux projets de production de biogaz qui s’ajoutent aux Fonds pour la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies.

Développement durable et eau

  • Le budget prévoit des initiatives pour diversifier et consolider les actions en matière d’environnement pour un montant global de 2,4 G$, dont 520 M$ sur cinq ans pour protéger les ressources en eau et assurer la sécurité des barrages, et 475 M$ pour protéger la biodiversité.
  • Création du Fonds bleu de 500 M$, dont une partie sera financée par les redevances exigibles pour l’utilisation de l’eau.
  • Appui aux technologies propres et à l’économie circulaire. (30 M$ sur cinq ans).

Transport

  • Un montant de 722 M$ sur six ans afin de soutenir l’efficacité des réseaux de transport, dont 400 M$ pour soutenir la relance du transport collectif.
  • Tiré du Plan québécois des infrastructures (PQI) : un montant de 1,9 G$ afin d’améliorer la mobilité et l’électrification des transports collectifs.
  • Un montant de 1,1 G$ sera consacré au transport maritime et ferroviaire.
  • 75 M$ sont prévus pour appuyer le terminal de Contrecœur.
  • Favoriser l’innovation dans le transport (55 M$ sur cinq ans).

Secteur minier

  • Les minéraux critiques et stratégiques assujettis au nouveau régime pour les grands projets, excluant l’aluminium.
  • 10 M$ sur deux ans pour assurer un développement harmonieux des minéraux critiques et stratégiques en région (acceptabilité sociale).

Numérique, TI et cybersécurité

  • Le gouvernement consacre en partie 201,9 M$ sur cinq ans au prolongement du programme de rehaussement de la cybersécurité (70 M$) et pour l’Offensive de transformation numérique (50 M$).
  • 108,7 M$ pour une meilleure connectivité.

Construction et PQI

  • Utilisation des contrats publics comme moteur de développement économique en poursuivant les efforts pour favoriser l’achat québécois en réservant un appel d’offres public aux petites entreprises du Québec, en leur accordant un avantage en fonction de la valeur ajoutée québécoise ou en exigeant des produits, des services et des travaux de construction québécois.
  • Mise en place d’un répertoire des fournisseurs et des entreprises d’ici en augmentant leur visibilité lors de l’attribution de contrats publics.
  • Proposition prochaine d’un règlement sur les délais de paiement et le règlement des différends pour l’industrie de la construction.
  • Une révision en cours pour l’attribution des appels de projets et des appels d’offre afin de rendre plus moderne et actuel le processus.
  • Investissements records pour renforcer la qualité des infrastructures du Québec de 150 milliards de dollars pour 2023-2033 pour la mobilité et l’électrification du transport collectif (1,9 G$), les hôpitaux (2,3 G$), la réfection d’écoles (2,4 G$), le réseau routier (1,8 G$) et la réfection d’infrastructures ferroviaires et maritimes (1,1 G$)

Protection et promotion de la langue française et médias

  • 649 M$ pour promouvoir la culture québécoise et la langue française, dont 88 M$ pour accentuer les efforts de défense, promotion et valorisation de la langue française, et 561 M$ pour la culture (univers numérique). Contenu culturel numérique : 95 M$ dont 13,3 M$ dans la poursuite de l’aide au secteur des médias.

Affaires autochtones

  • Un montant additionnel de 121 M$, dont l’aide au logement 49,8 M$ sur cinq ans et le renforcement des services et 43 M$ sur trois ans pour le logement au Nunavik (entrepôt et reconstruction des logements sinistrés).
  • 6,5 M$ pour hébergement des itinérants autochtones.

Logement social et garderie

  • Un montant de 1 G$ sur six ans pour favoriser l’accessibilité au logement, dont 650 M$ pour la construction de 5 250 logements sociaux, un rehaussement de l’aide par l’entremise du crédit d’impôt pour la solidarité et une augmentation du budget pour le Supplément au loyer.
  • Un montant de 376 M$ pour la conversion des garderies non subventionnées.

Éducation (primaire, secondaire, enseignement supérieur)

  • Un montant de 2,4 G$ est inscrit au PQI pour soutenir la réfection d’écoles et les projets d’agrandissement et de rénovation des cégeps et des universités.

Les prochaines étapes

  • Débat sur le budget (25 heures).
  • Étude des crédits budgétaires en commissions parlementaires (100 heures).
  • Adoption (en mai).
Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal
Rédigé parYvan LoubierVice-président des projets majeurs, Économiste