Feu vert à un budget vert

Le budget en un clin d'oeil

  • Revenus : 121,3 G$ (+2,8 %)
  • Dépenses : 118,6 G$ (+5,1 %)
  • Surplus : 4,5 G$ (avant versement au Fonds des générations)
  • Versement au Fonds des générations : 2,6 G$
  • Dette brute : 197,7 G$ ou 43 % du PIB
  • Dette nette: 171,7 G$ ou 37,3 % du PIB
  • Croissance économique: 2,0 % en 2020 et 1,5 % en 2021
  • Croissance des dépenses de programme: 4,4 %
  • Investissements en infrastructures : 15,1 G$ de plus au PQI 2019-2028 qui passe à 130 G$.

Les milliards pleuvent sur le Québec et les surplus s’accumulent, mais comme les marchés boursiers s’agitent et que les économies toussent au rythme de la prolifération de l’épidémie de coronavirus, le gouvernement Legault souhaite que l’État joue son rôle de « stabilisateur ». Après un premier exercice contenant un artifice de mesures et d’engagements électoraux, le ministre des Finances, Éric Girard, signe un deuxième budget beaucoup plus sobre avec des mesures qui ciblent deux priorités : l’environnement et les clientèles vulnérables.

Engranger d’importants surplus est en soi une bonne nouvelle sur le plan économique. Mais sur le plan politique, cela peut s’inscrire en faux avec la philosophie originelle de la Coalition Avenir Québec qui faisait de la gestion responsable des finances publiques le socle de son projet politique. Pour amenuiser les surplus, réduire les attentes de tout un chacun et pour diminuer l’appétit des syndicats, la CAQ doit se contraindre à dépenser plus que son ADN le permettrait. Les dépenses croissent pratiquement deux fois plus vite que les revenus.

Ce budget confirme un virage vert important avec une volonté de « faire de la lutte contre les changements climatiques une occasion de développement économique ». Le gouvernement prévoit des sommes pour l’éventuel Plan pour une économie verte (PEV) (6,2 G$ d’ici 2026) dont 1,3 G$ pour favoriser la décarbonisation des entreprises.

Autre fait saillant de ce budget : on souffle à l’hélium le Plan québécois des infrastructures (PQI) qui, en moins de deux ans, est passé de 100 G$ à 130 G$. Visiblement, Québec entend stimuler l’économie québécoise au moment où l’incertitude économique plane et que des nuages se pointent à l’horizon.

En plus du tramway de Québec, cinq projets de transport collectif font aussi leur entrée dans le PQI : Gatineau, Montréal, Longueuil (boulevard Taschereau, ligne jaune) ainsi que le prolongement du REM autant vers Laval que vers Chambly. Selon les calculs de la CAQ, les investissements consacrés au transport collectif (43,8 G$) dépasseraient, à terme, ceux dévolus au redressement du réseau routier (42,5 G$).

Ce budget consacre également des sommes importantes pour les plus vulnérables de la société : protection de la jeunesse (450 M$/cinq ans), santé mentale (260 M$/cinq ans), enfants handicapés (125 M$/cinq ans), femmes victimes de violence conjugale, (181 M$/cinq ans), 900 nouveaux lits en CHSLD (140 M$/deux ans), crédit d’impôt pour proches aidants (532 M$/cinq ans), bien-être des communautés autochtones (200 M$/cinq ans).

En éducation et en santé, peu de nouvelles initiatives. Le gouvernement se contente de bonifier des programmes existants ou d’inscrire dans les livres de l’État des annonces déjà effectuées. Les coûts de système étant ce qu’ils sont, les deux plus gros ministères héritent de la part du lion en termes de réinvestissement (85 % de la croissance des dépenses de programmes). Le réseau scolaire accueillera de nouvelles classes de maternelles 4 ans et de nouvelles classes spécialisées; ce qui accentue la pression sur la construction de nouvelles écoles. Du côté de la santé, le gouvernement prévoit de nouveaux lits en CHSLD, l’embauche de ressources pour bonifier les soins à domicile et améliorer les services de première ligne.

Du côté des entreprises, un nouveau crédit d’impôt à l’investissement et l’innovation (C3i) et la prolongation du congé fiscal pour les grands projets. Le ministre des Finances a beau assurer que l’économie québécoise dispose des assises nécessaires pour faire face à un ralentissement mondial et aux turbulences qui s’annoncent, il juge important de mettre en place de nouveaux incitatifs.

Les contribuables qui s’attendaient à des mesures de réduction du fardeau fiscal seront déçus. Hormis le 182 M$ qui constitue un montant additionnel destiné à se doter d’un taux de taxation uniforme, le budget ne prévoit pas d’allègements. Au même titre qu’il ne contient pas de hausses de tarifs ou des taux d’imposition.

Tout compte fait, ce budget permettra au gouvernement de François Legault de redorer le blason de son équipe sur ce qui constituait son talon d’Achille : l’environnement. Chose certaine, en faisant de l’environnement sa pièce de résistance et en maintenant un taux de croissance des dépenses à 4,4 %, force est de constater que ce budget s’inscrit davantage dans la tradition libérale ou péquiste.

Lors de son premier budget, la CAQ avait souhaité apposer son empreinte sur la trajectoire qu’il voulait donner à l’État québécois. Cette année, elle a choisi de se présenter sous un nouveau jour. D’un autre côté, avec les marges de manœuvre financières dont a hérité ce gouvernement depuis son entrée en scène, il avait déjà largement financé et réalisé ses principaux engagements électoraux.

Sur le plan politique, ce gouvernement continue d’imposer son agenda. À moins qu’un ralentissement économique en décide autrement et l’oblige à revoir ses plans…

Pour poursuivre la discussion et trouver les opportunités d’affaires derrière ces mesures, nous vous invitons à communiquer avec un membre de l’équipe NATIONAL.

Principales mesures

Lutte contre les changements climatiques (6,7 G$ sur 6 ans)

  • Dépôt prochain du Plan pour une économie verte (PEV);
  • Six projets structurants électriques sont inscrits dans le Plan québécois des infrastructures 2020-2030 (PQI) : Québec, Montréal, Longueuil, Gatineau, Laval et Chambly (15,8 G$);
  • Favoriser la décarbonisation des entreprises du secteur industriel (1,3 G$);
  • Bonification des programmes Roulez vert (1,4 G$ sur six ans) et Chauffez vert;
  • 20 M$ pour moderniser les centres de tri et 10 M$ pour encourager la collecte des matières organiques.

Éducation : Investissements supplémentaires de 1,5 G$

  • Investissement de 136 M$ pour la création de 350 nouvelles classes de maternelle 4 ans;
  • Ajout de 150 classes spéciales pour élèves doués ou en difficulté;
  • Création de créneaux d’avenir dans des domaines en intelligence artificielle et innovation technologique;
  • Le PQI 2020-2030 prévoit un montant de 19,1 G$ qui sera alloué à la construction et à la rénovation d’infrastructures en éducation et enseignement supérieur.

Santé : des investissements dans la continuité

  • Ajout d’infirmières et d’autres professionnels;
  • Élargissement des actes offerts par les pharmaciens et les infirmières praticiennes spécialisées;
  • Hausse des budgets dédiés aux soins en santé mentale;
  • Cancérologie : couverture des traitements de thérapie cellulaire CAR-T-cell;
  • 900 nouveaux lits en CHSLD.

Transformation numérique

  • Promesse de création d’une identité numérique pour tous les citoyens;
  • Dévoilement prochain de la Politique gouvernementale de cybersécurité;
  • Mise en place du Centre gouvernemental de cyberdéfense;
  • Confirmation de l’entrée en fonction d’Infrastructures technologiques Québec et du Centre d’acquisitions gouvernementales au 1er juin 2020.

Mesures fiscales et budgétaires pour les entreprises :

  • Création du crédit d’impôt à l’investissement et l’innovation (C3i) qui permettra aux entreprises de moderniser leurs équipements et d’acquérir des solutions technologiques (526 M$ sur cinq ans);
  • Prolongation du congé fiscal pour grands projets d’investissement;
  • Instauration du crédit d’impôt capital synergie qui incitera les entreprises établies à investir dans le capital-actions des PME québécoises;
  • Instauration d’une déduction incitative pour la commercialisation des innovations (DICI) (92 M$ sur cinq ans).

Mesures fiscales et budgétaires pour les particuliers :

  • Le gouvernement continue de réduire les taux de taxes scolaires à partir du 1er juillet 2020 en vue d’obtenir un taux uniforme. Une économie projetée de 1,2 G$ sur cinq ans.*

Énergie et développement régional :

  • Le gouvernement soutiendra des projets de production de gaz naturel renouvelable (biométhane) ainsi que le raccordement des installations (70 M$ sur trois ans);
  • Mise en œuvre de la Stratégie de croissance de l’industrie touristique 2020-2025 (304 M$ sur six ans).

Transport et réseau routier :

  • 2,7 G$ supplémentaires pour le réseau routier dans le PQI 2020-2030;
  • 3,3 G$ supplémentaires pour le transport collectif dans le PQI 2020-2030;
  • Équilibre projeté entre les investissements en transport collectif et dans le réseau routier d’ici 2030; un changement de paradigme important pour le Québec.

Culture

  • Le gouvernement veut marquer des points auprès du secteur culturel et annonce donc des dépenses supplémentaires de 457 M$ d’ici six ans;
  • La majeure partie servira à décloisonner et exporter la culture québécoise;
  • Bonification et mise en place des infrastructures culturelles supplémentaires en régions (222 M$ au PQI).

Prochaines étapes

  • Débat sur le budget (25 heures)
  • Étude des crédits budgétaires en commissions parlementaires (200 heures)
  • Adoption (quelque part en mai)

——— Guillaume Fillion était directeur, Affaires publiques au Cabinet de relations publiques NATIONAL

Rédigé parAlexandre BoucherAssocié et vice-président principal, Affaires publiques
Rédigé parGuillaume Fillion