Budget fédéral de 2024 : un plan de dépenses ambitieux à l'approche d'une année électorale

LA PRESSE CANADIENNE/Sean Kilpatrick

Aujourd'hui, entourée de murs de calcaire et d'un nuage de tension politique, Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des finances, a dévoilé la feuille de route fiscale des libéraux avec le Budget 2024 : Une chance équitable pour chaque génération, marquant un moment crucial pour la trajectoire du pays à l'approche d'une année électorale.

Parmi les premières annonces, citons 1 milliard de dollars pour un programme national d'alimentation scolaire, 1 milliard de dollars de prêts et de subventions pour développer l'aide à la garde d'enfants, et plus de 23 milliards de dollars pour un nouveau plan pour le logement.

Avec ces priorités, le gouvernement Trudeau vise à cibler deux groupes démographiques clés – les jeunes électeurs et les femmes – qui ont tous deux soutenu la victoire majoritaire des libéraux en 2015. Il s'agit indéniablement d'une stratégie électorale anticipée pour les libéraux minoritaires.

Ces annonces, ajoutées au contenu du budget présenté aujourd'hui, représentent au total 52,9 milliards de dollars de nouvelles dépenses fédérales – dont certaines sont basées sur des prêts – partiellement compensées par 18,1 milliards de dollars de nouvelles recettes fiscales.

Bien que le Bureau du directeur parlementaire du budget (BDPB) ait mis en garde contre une fenêtre de dépenses étroite avant l'annonce d'aujourd'hui, les libéraux ont poursuivi cet ambitieux programme.

Avec les nouvelles dépenses, le déficit fédéral devrait atteindre 39,8 milliards de dollars en 2024-2025, la dette s'élevant à 1,3 billion de dollars pour l'exercice en cours.

À titre de comparaison, la dette fédérale s'élevait à 649 milliards de dollars lors du premier budget des libéraux en 2016.

Alors que Mme Freeland a exclu d'augmenter les impôts de la classe moyenne, de nouvelles mesures fiscales sont imposées aux Canadiens les plus riches. Les perspectives de recettes de l'impôt sur le revenu ont été revues à la hausse de 7,0 milliards de dollars par an en moyenne, ce qui s'explique en grande partie par l'augmentation prévue des recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt sur les sociétés.

Le budget 2024 fait passer le taux d'inclusion des gains en capital de 50 % à deux tiers.

Analyse politique

Les sondages d'opinion menés avant le jour du budget ont révélé que la plupart des Canadiens restent inquiets du déficit national et souhaitent que le gouvernement mette un frein aux dépenses excessives (et aux promesses démesurées).

Mais ce n'est là qu'une facette du huard.

En revanche, l'augmentation du soutien financier reste populaire parmi les Canadiens. Lorsque l'on analyse les éléments du budget, la plupart souhaitent une augmentation des dépenses dans les domaines des soins de santé, du logement et de l'armée canadienne.

Alors que le gouvernement cherche à gagner du terrain dans l'opinion publique, il n'est pas surprenant que ces trois domaines aient bénéficié d'un financement accru dans le budget 2024.

Les libéraux devront impérativement maîtriser cette dynamique au cours des prochains mois, alors que les stratégies de dépenses commenceront à être mises en œuvre. Maintenant plus que jamais, les libéraux doivent communiquer plus efficacement les résultats de leurs dépenses. La tournée de présentation post-budgétaire est l'endroit idéal pour commencer.

Malgré les inquiétudes concernant les dépenses excessives, les libéraux ont discrètement remonté dans les sondages vers les conservateurs, qui sont en tête depuis le mois de septembre.

Les conservateurs disposaient d'un avantage de 20 points de pourcentage avant ce changement, mais ils n'ont plus que 12 points d'avance sur les libéraux.

Il s'agit du premier signe positif de momentum pour les libéraux depuis l'automne.

Ce que le budget de 2024 signifie pour vous

Abordabilité du logement

Il est clair que le Canada est confronté à une crise du logement caractérisée par la montée en flèche des prix, la diminution du nombre de logements vacants et l'augmentation de l'écart d'accessibilité. La crise est accentuée dans les centres urbains où les prix des logements ont dépassé la croissance des revenus.

Le plan de logement de 28 pages des libéraux est l'effort le plus récent du gouvernement pour définir une orientation en matière d'abordabilité, alors qu'il reste dernier dans les rangs des partis fédéraux de confiance pour faire face à la crise.

Avec un financement supplémentaire, les libéraux prévoient de construire 3,9 millions de logements d'ici à 2031 – la location de terres publiques étant l'une des tactiques pour y parvenir.

Avec plus de 20 annonces concernant le logement et l'abordabilité avant le budget d'aujourd'hui, il semble que les libéraux aient entendu le message (et les données des sondages) haut et fort que des investissements étaient nécessaires.

Voici quelques points saillants du programme de financement :

  • 6 milliards de dollars pour le nouveau Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement – 1 milliard pour les municipalités et 5 milliards pour les provinces et les territoires, en fonction des besoins spécifiques. Ce fonds soutiendra l'infrastructure de logement comme l'eau, les eaux usées, les eaux pluviales et les déchets solides.
  • 1,5 milliard de dollars pour le nouveau Fonds canadien de protection des loyers afin de préserver les logements locatifs et de les rendre plus abordables.
  • 400 millions de dollars pour compléter le Fonds pour accélérer la construction de logements, lancé en 2023, afin d'accélérer la construction de 12 000 nouveaux logements sur trois ans.
  • 1,5 milliard de dollars pour le Fonds canadien de protection des loyers.
  • 1 milliard de dollars pour le Fonds pour le logement abordable.
  • 1,5 milliard de dollars pour le Programme pour les bâtiments communautaires verts et inclusifs.

Défense

8,1 milliards de dollars sur cinq ans et 75 milliards de dollars sur les 20 prochaines années ont été promis dans le cadre de Notre Nord fort et libre : une vision renouvelée pour la défense du Canada en raison des pressions croissantes exercées par les partenaires internationaux et de l'aggravation des tensions mondiales.

Certains engagements sont assortis de prix, notamment 18,4 millions de dollars sur 20 ans pour de nouveaux hélicoptères tactiques et 2,8 milliards de dollars pour des opérations cybernétiques ; cependant, les détails spécifiques d'autres promesses restent flous, comme la flotte de sous-marins spécifique qu'Ottawa veut et à quel prix.

Le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, consulte les spécialistes de la défense du Canada sur les équipements à privilégier, mais il est clair que davantage de détails devront être précisés dans les mois à venir afin de rétablir la clarté.

Même avec des milliards de dollars supplémentaires, le Canada n'a toujours pas tenu sa promesse d'atteindre les objectifs de l'OTAN en matière de défense. Les libéraux n'atteignent que 1,76 % au lieu des 2 % promis l'an dernier aux partenaires de l'OTAN.

Sans surprise, l'opposition n'a pas tardé à répliquer au plan des libéraux, arguant qu'une grande partie des dépenses promises ne sera pas mise en œuvre à court terme pour soutenir les troupes actuelles qui ont besoin d'un équipement et d'une formation actualisés à court terme.

Les dépenses supplémentaires

Infrastructure de l'IA

Le programme de financement s'élève à 2,4 milliards de dollars et comprend :

  • 2 milliards de dollars pour construire et fournir des capacités de calcul et des infrastructures technologiques pour la recherche, les start-ups et les entreprises d'envergure dans le domaine de l'IA.
  • 200 millions de dollars pour aider les agences de développement régional du Canada à stimuler les start-ups dans le domaine de l'IA.
  • 100 millions de dollars pour le programme d’aide à l’IA du Conseil national de recherches Canada afin d'aider les entreprises à augmenter leur productivité.
  • 50 millions de dollars pour le Programme de solutions pour la main-d’œuvre sectorielle afin d'offrir de nouvelles compétences aux travailleurs perturbés par l'IA (y compris les industries créatives).
  • 5,1 millions de dollars pour le commissariat à l’IA et aux données afin de renforcer et d'appliquer la Loi sur l’intelligence artificielle et les données.

Santé

Voici quelques financements proposés dans le budget d'aujourd'hui :

  • 562,5 millions de dollars en 2024-2025 pour soutenir les services médicalement nécessaires par le biais du Programme des services de santé non assurés, qui soutient une gamme de prestations pour les Premières Nations et les Inuits, y compris les services de santé mentale, les voyages médicaux, les médicaments, et plus encore.
  • 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour aider le Canada à soutenir un régime national d'assurance-médicaments. Les négociations et les discussions en cours entre les différents niveaux de gouvernement pour la mise en œuvre des promesses suivantes sont essentielles pour garantir l'efficacité du système de santé canadien.

Crédits d'impôt pour les investissements dans les énergies et les technologies propres

Les initiatives politiques inachevées, y compris le paquet de crédit d’impôt à l’investissement pour la fabrication de technologies propres proposé en 2023, ont reçu une légère mise à jour dans le budget d'aujourd'hui, qui a fourni des détails supplémentaires sur les calendriers des crédits d'impôt, et de nouveaux détails sur la conception et la mise en œuvre du crédit d'impôt pour l'électricité propre. Les principales mises à jour sont les suivantes :

  • Le gouvernement présentera bientôt un projet de loi visant à mettre en œuvre le Crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre et le Crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres. Le projet de loi pour le Crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres sera publié pour consultation à l'été 2024 et le gouvernement prévoit d'introduire la législation à l'automne 2024.
  • Crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre : ce crédit d'impôt ne serait accordé qu'aux entreprises canadiennes qui remplissent des critères en matière de main-d'œuvre et d'investissement.

Réactions de l'opposition

Il n'est pas surprenant que les annonces antérieures au budget aient donné aux partis d'opposition le temps de planifier leurs contre-attaques publiques contre les dépenses.

Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a déjà lancé l'opposition ferme de son parti au plan de dépenses, promettant un plan en quatre points sous sa direction, en commençant par « éliminer les impôts », construire des maisons, redresser le budget et mettre fin à la criminalité.

Grâce aux récentes concessions faites avec le Nouveau Parti Démocratique (NPD), notamment des motions parlementaires négociées et un programme détaillé d'assurance-médicaments, le budget 2024 devrait être adopté avec leur soutien continu. Toutefois, étant donné que le gouvernement est minoritaire, la réaction de l'opposition est de plus en plus pertinente à l'approche des prochaines élections fédérales.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a exprimé son soutien à certaines mesures du budget, notamment le fonds de protection des locataires. Le NPD croit fermement que le coût de la vie est alimenté par la cupidité des entreprises et a cherché à limiter cette cupidité dans le budget 2024.

Le Parti vert ne soutient pas ce budget, soulignant qu'il n'aborde pas des questions majeures, telles que l'imposition de la richesse, et qu'il ne répond pas au besoin urgent d'action climatique.

En conclusion

Alors que la nuit tombe sur la journée de dévoilement du budget de 2024, le paysage politique ressemble à un carrefour très fréquenté. Les libéraux ont mis le pied sur l'accélérateur en annonçant des plans ambitieux, tandis que les conservateurs conservent une avance constante dans les sondages, en dominant la route.

Les libéraux se retrouvent en covoiturage avec le NPD. Il s'agit d'un équilibre délicat entre coopération et concurrence, chaque parti se disputant le contrôle du volant.

Une stratégie et des actions concrètes sont le carburant qui propulsera les libéraux vers l'avant et seul le temps nous dira s'ils ont ce qu'il faut pour naviguer dans les virages qui les attendent.

Comment se préparer à l'avenir? Notre équipe d'experts en affaires publiques peut vous aider à naviguer à travers ces changements.

——— Emily Rowan était directrice, Affaires publiques au Cabinet de relations publiques NATIONAL

Rédigé parAzin PeyrowDirectrice principale, Affaires publiques
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Rédigé parSiera DraperConseillère principale, Affaires publiques

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