Budget fédéral de 2022 : de nouvelles dépenses pour le logement, la défense et un clin d'œil aux restrictions budgétaires

JUSTIN TANG/LA PRESSE CANADIENNE

À l'approche de son deuxième budget, les attentes à l’endroit de la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland étaient aussi élevées que l'accélération des taux d'inflation. Les inquiétudes persistantes liées à la pandémie et l'incertitude mondiale imminente ont constitué un ensemble complexe de facteurs à prendre en compte pour tracer la voie budgétaire du Canada pour les prochaines années.

La Mise à jour économique et budgétaire de décembre 2021 du gouvernement fédéral, qui mettait l'accent sur les mesures vertes, la COVID-19 et la réconciliation, a été considérée comme le point de départ des priorités de dépenses du gouvernement pour le Budget de 2022 : Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable.

Mais les temps ont changé.

Depuis décembre dernier, l'invasion russe de l'Ukraine a créé des pressions de la part des conservateurs et des alliés de l'OTAN pour que le Canada augmente ses dépenses de défense. Parallèlement, les appels du secteur privé en faveur d'un regain d'intérêt pour les mesures de croissance ont exercé des pressions supplémentaires sur le gouvernement fédéral en matière de dépenses.

Comme si les enjeux n'étaient pas assez élevés, l'accord historique de soutien et de confiance conclu par le premier ministre Justin Trudeau avec le NPD a pratiquement entraîné de nouveaux engagements de dépenses massifs, notamment des programmes nationaux de soins dentaires et d'assurance-médicaments que les libéraux n'avaient pas envisagés il y a seulement quelques mois.

Du point de vue de NATIONAL, ce budget est clairement le premier test du récent pacte libéral-néo-démocrate. Leur entente s'applique jusqu'en 2025 – une éternité sur la scène politique. Des étapes importantes comme celle-ci serviront d'indicateur de l'alignement des deux partis et des domaines où la coopération ne se déroule pas aussi bien.

Le Budget de 2022 comprend plusieurs nouveaux engagements de dépenses, notamment en matière de logement et de défense. Mais il vise surtout à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens et à donner un coup de pouce à la productivité canadienne, qui en a bien besoin.

Budget de 2022 : vue d'ensemble

  • Le déficit devrait baisser à 0,9 % du PIB en 2024-25 avant d'atteindre 0,3 % à la fin de l'horizon de planification budgétaire.
  • Déficit projeté à 52,8 milliards de dollars pour 2022-2023.
  • 31,2 milliards de dollars de nouvelles dépenses sur cinq ans – avec des postes importants comme l'offre de logements, la réconciliation avec les Autochtones, la lutte contre le changement climatique et la défense nationale.
  • Le gouvernement devrait encaisser plus de 2 milliards de dollars en efforts de création de revenus.
  • Le ratio dette-PIB du Canada devrait baisser à 41,5 % d'ici 2026-27, comparativement à 45,1 % cette année.
  • Nouvelle surtaxe sur les bénéfices de pandémie des banques dépassant 1 milliard de dollars.

Analyse

D'un point de vue politique, ce budget fait un bon travail pour apaiser la légion de parties prenantes et de priorités concurrentes :

  • Rebâtir l'économie alors que le monde émerge du pire de la pandémie, mais fait face à une inflation croissante.
  • Rassurer les Canadiens que la vie deviendra plus abordable, notamment par des mesures directes visant à réduire le coût du logement.
  • Rassurer les alliés internationaux que le Canada peut respecter les accords internationaux, notamment en matière de défense, mais aussi de changement climatique.
  • Rassurer la base libérale que les mesures climatiques et l'atteinte d'une transition vers la carboneutralité d'ici 2030 demeurent une priorité du gouvernement.
  • Rassurer le NPD que ses priorités sont prises en compte.

À l'approche du budget, alors que l'encre séchait encore sur leur accord avec les libéraux, les néo-démocrates ont exprimé leur optimisme quant au fait que leurs principales priorités seraient reflétées dans le budget et qu'ils ne seraient pas pris au dépourvu par des omissions inattendues. Leur confiance n'était pas mal placée. Le budget d'aujourd'hui contenait, selon certaines mesures, 15 milliards de dollars de dépenses pour des initiatives liées à l'accord, notamment :

  • 475 millions de dollars en 2022-23 pour verser un paiement unique de 500 $ aux personnes qui ont des difficultés à se loger. Les détails seront annoncés à une date ultérieure.
  • 5,3 milliards de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-23, pour offrir des soins dentaires aux Canadiens. Les soins dentaires seront d'abord offerts aux enfants de moins de 12 ans en 2022, puis aux enfants de moins de 18 ans, aux personnes âgées et aux personnes handicapées en 2023, avant d'être pleinement mis en œuvre en 2025.
  • Le gouvernement fédéral déposera un projet de loi sur l'assurance-médicaments du Canada et s'efforcera de le faire adopter d'ici la fin de 2023, puis chargera l'Agence canadienne des médicaments d'élaborer un catalogue national de médicaments essentiels et un plan d'achat en gros. Aucune dépense connexe n'a été annoncée.
  • Injection de 4,3 milliards de dollars dans le logement des personnes autochtones

Par contre, le milieu des affaires du Canada pourrait avoir l'impression que ses besoins n'ont pas été satisfaits. D'un point de vue fiscal, ce dernier budget démontre que les libéraux sont à l'aise de rester dans le négatif jusqu'en 2026-2027 – l'échéance prévue pour le retour à l'équilibre budgétaire – en choisissant de dépenser les revenus supplémentaires générés par la hausse des prix du pétrole plutôt que d'utiliser ces fonds pour réduire le déficit.

Le budget est également maigre en ce qui concerne le type de mesures de croissance que de nombreux économistes et chefs d'entreprise considèrent comme cruciales pour accroître la compétitivité et la productivité du Canada.

Le temps nous dira si les libéraux ont eu les yeux plus gros que le ventre avec ce nouveau budget.

Ce que cela signifie pour vous

Logement

Avec une inflation qui se rapproche de 6 %, il était essentiel pour les libéraux de répondre aux préoccupations concernant le coût de la vie et l'accessibilité au logement. Les représentants du gouvernement espéraient que le document d'aujourd'hui resterait dans les mémoires comme le « budget du logement », compte tenu de son orientation. Il comprend notamment :

  • 475 millions de dollars pour une série de paiements directs uniques de 500 $ aux Canadiens qui font face à des problèmes de coût du logement.
  • Un compte d'épargne libre d'impôt pour l'achat d'une première propriété – permettant aux futurs propriétaires d'épargner jusqu'à 40 000 $ pour une mise de fonds.
  • Une interdiction de deux ans pour les acheteurs étrangers d'acheter des propriétés résidentielles non récréatives au Canada.

Défense

Il n'a pas été surprenant de voir des fonds supplémentaires pour la défense dans le budget de 2022, surtout avec la récente invasion de l'Ukraine et la pression de l'OTAN pour que le Canada atteigne ses objectifs de 2 % en matière de dépenses de défense. L'annonce récente par le Canada du lancement de négociations formelles pour l'achat de plusieurs 88 F-35 a également signalé la volonté de M. Trudeau de consacrer des fonds à la défense. Le budget du ministère de la Défense nationale sera augmenté d'environ 8 milliards de dollars, mais il ne sera pas alloué en une seule année. Les fonds supplémentaires pour la défense comprennent :

  • 6,1 milliards de dollars sur cinq ans, à partir de 2022-2023, avec 1,3 milliard de dollars d'amortissement restant et 1,4 milliard de dollars en continu pour le ministère de la Défense nationale.
  • 100,5 millions de dollars sur six ans, dont 1,7 million de dollars d'amortissement restant et 16,8 millions de dollars pour renforcer le leadership au sein des Forces armées canadiennes.
  • Intention de proposer des modifications aux lois sur la marine marchande du Canada et à d'autres lois, notamment pour permettre une gestion proactive des urgences maritimes et pour couvrir davantage de types de pollution.

Environnement

L'annonce, le mois dernier, de 9,1 milliards de dollars en nouveaux investissements dans la réduction des émissions de GES a signalé un engagement plus profond à l'égard du changement climatique. Le budget de 2022 va plus loin, grâce aux investissements suivants :

  • 2 milliards de dollars versés aux minéraux essentiels du Canada pour soutenir la chaîne d'approvisionnement en batteries de véhicules électriques (VE) afin d'accélérer l'extraction des minéraux essentiels de transformation (nickel, lithium, cobalt et magnésium).
  • Pour réduire les émissions des véhicules moyens et lourds (VML), le gouvernement fédéral visera à ce que 35 % des ventes totales de VML soient des véhicules zéro émission d'ici 2030.
  • 500 millions de dollars pour l'infrastructure de recharge et de ravitaillement en véhicules zéro émission à grande échelle en milieu urbain et commercial.
  • Crédit d'impôt pour les entreprises et l'industrie qui installent des systèmes de capture du carbone.

Innovation

  • 750 $ sur six ans, à partir de 2022-2023, pour soutenir davantage la croissance et le développement des supergrappes d'innovation mondiales du Canada.
  • Proposition d'établir le Fonds de croissance du Canada pour inciter le secteur privé à faire d'importants investissements.
  • Intention de créer une agence fédérale d'innovation et d'investissement indépendante sur le plan opérationnel et proposition de verser 1 milliard de dollars sur cinq ans pour soutenir ses activités initiales.
  • 96,6 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-2023 et 22,9 millions de dollars en permanence pour soutenir les divers programmes au sein d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE).

Santé

  • 5,3 milliards de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-23, et 1,7 milliard de dollars en permanence, à Santé Canada pour fournir des soins dentaires aux Canadiens.
  • 20 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-23, pour les Instituts de recherche en santé du Canada afin de soutenir des recherches supplémentaires sur les effets à long terme du virus COVID-19 sur les Canadiens, ainsi que sur les répercussions générales du virus COVID-19 sur la santé et les systèmes de soins de santé.
  • 20 millions de dollars sur cinq ans aux Instituts de recherche en santé du Canada pour intensifier les efforts visant à en apprendre davantage sur la démence et la santé du cerveau, afin d'améliorer le traitement et les résultats pour les personnes atteintes de démence.
  • 30 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2022-23, à l'Agence de la santé publique du Canada, pour le Centre d’innovation canadien sur la santé du cerveau et le vieillissement, afin d'accélérer les innovations dans le domaine de la santé du cerveau et du vieillissement.
  • 140 millions de dollars sur deux ans, à compter de 2022-23, à Santé Canada pour le portail Espace Mieux-être Canada afin qu'il puisse continuer à fournir aux Canadiens des outils et des services pour favoriser leur santé mentale et leur bien-être.
  • 115 millions de dollars sur cinq ans, dont 30 millions en continu, pour élargir le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers et aider jusqu'à 11 000 professionnels de la santé formés à l'étranger, chaque année, à faire reconnaître leurs titres de compétences et à trouver du travail dans leur domaine.

Réactions des partis d'opposition

Réaction du NPD : Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a souligné que le budget de 2022 est conforme à l'entente conclue avec les libéraux. Il a souligné que les investissements supplémentaires que les Canadiens voient dans le budget pour le logement des personnes autochtones n'auraient pas été là si le NPD n'avait pas fait pression pour obtenir des fonds supplémentaires. En fin de compte, le chef a souligné que les libéraux font preuve de bonne foi dans leur promesse de respecter les priorités du NPD.

Réaction des conservateurs : Sans surprise, les conservateurs ont vivement critiqué le budget. La chef du Parti conservateur, Candice Bergen, a souligné que « ce n'est pas un budget responsable – c'est un budget du NPD ».

Réaction du Bloc québécois : Le Bloc québécois a dénoncé l'absence d'augmentation des transferts de santé aux provinces, le chef du Bloc, Yves-Francois Blanchet, déclarant que « les systèmes de santé sont asphyxiés. »

NATIONAL : La portée et l'expertise de notre équipe pancanadienne en affaires publiques

L'équipe pancanadienne des Affaires publiques et des Relations gouvernementales de NATIONAL, composée d'experts chevronnés dans tous nos bureaux, est là pour vous aider. Nous avons hâte de vous rencontrer.

——— Simon Beauchemin était directeur principal, Investissement et Commerce au Cabinet de relations publiques NATIONAL

——— Emily Rowan était directrice, Affaires publiques au Cabinet de relations publiques NATIONAL

Rédigé parSimon Beauchemin
Rédigé parEmily Rowan