Preparing a leader for a debate: Our experts weigh in
Tomorrow, a first debate will oppose the candidates to the provincial election. A familiar exercise for François Legault, but a first experience for Dominique Anglade, Éric Duhaime, Gabriel Nadeau-Dubois, and Paul Saint-Pierre-Plamondon. Will the first face-off have an impact on the rest of this campaign? What should we watch for? How do you prepare for a debate?
Three NATIONAL experts, who have advised party leaders in the past, give us their impressions.
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Dès demain, un premier débat opposera les candidats à l’élection provinciale. Un exercice familier pour François Legault, mais aussi une première expérience pour Dominique Anglade, Éric Duhaime, Gabriel Nadeau-Dubois et Paul Saint-Pierre-Plamondon. Est-ce que le premier face à face aura une incidence sur la suite de cette campagne? Que faut-il surveiller? Comment se prépare-t-on à un débat?
Trois experts de NATIONAL, qui ont déjà conseillé des chefs de parti dans une autre vie, nous livrent leurs impressions.
Messieurs, vous avez déjà préparé un chef de parti en prévision d’un débat télévisé. Quels sont les principaux conseils que vous leur donniez en prévision de cet exercice?
John Parisella (JP), conseiller spécial : Durant la campagne, on se retire un peu du va-et-vient. Cela étant, on est dans une élection à date fixe. Il faut donc prévoir que beaucoup de préparatifs ont dû déjà se faire avant le déclenchement pour bien bâtir la confiance, évaluer les prévisions et anticipations des attaques par des adversaires et, assurément, maîtriser le contenu des enjeux et dossiers. Mais il ne faut pas perdre de vue le côté humain de l’exercice. Il faut se concentrer sur les atouts forts de notre candidat et minimiser les perceptions plus négatives, les do’s and don’ts pour employer l’expression anglaise. Le défi sera de bien démontrer l’authenticité de notre candidat et avoir de la spontanéité dans la période des échanges – the likeability factor!
Luc Ouellet (LO), associé : Le premier conseil, c’est de baisser les attentes à son endroit. Ensuite, les chefs doivent identifier les points faibles de leurs adversaires et de leurs engagements, mais aussi les éléments de leur propre plateforme où ils sont plus vulnérables. Finalement, les chefs doivent reproduire l’environnement du débat et procéder à une répétition avec jeux de rôles.
André Bouthillier (AB), vice-président exécutif: Avant le débat : prendre le temps de se détendre, ne pas lire des centaines de pages de document à la dernière minute, écouter les conseils de ses communicateurs, mais sans changer sa vraie nature. Pendant le débat, être vrai et authentique, sûr de soi, convaincu… Avoir un peu d’émotion.
Comment se passe la journée du débat des chefs?
JP : Il faut quitter la campagne et l’autobus pour se reposer, prendre du recul, se mettre à jour. Laisser au candidat du temps seul! Certains font des exercices de débats ou de mises en scène – il faut être prudent ici. Je déconseille cela. La surpréparation peut nuire à l’authenticité et la spontanéité. Robert Bourassa évitait toutes pratiques et minimisait les rencontres en groupe. Sur le contenu, il faisait beaucoup de one-on-one. On a surpréparé Daniel Johnson contre Jacques Parizeau, sans que ça génère l'effet escompté. Il faut aussi savoir anticiper le plan de match des adversaires : leurs lignes d’attaque, leurs stratégies, le verdict. Bref, comment s’y prendre pour avoir un verdict en faveur de notre candidat.
LO : Le jour du débat, les chefs doivent se réserver un temps de repos. Ils devraient uniquement relire et s’approprier les déclarations d’ouverture et de clôture.
AB : Le chef se réunit avec sa garde rapprochée. Il quitte donc son autobus pour au moins deux jours. La lecture de derniers documents et la préparation des lignes dans un débat simulé sont à l’ordre du jour.
Avec le déclin de la télévision au profit des médias sociaux, trouvez-vous que les débats des chefs ont encore leur place aujourd’hui? Ont-ils encore un réel impact dans une campagne électorale?
JP : Oui. Et peut-être plus ces jours-ci, car les campagnes en soi n’attirent pas l’attention quotidienne d’antan. Nos campagnes sont courtes et il n’y a pas beaucoup de temps pour se reprendre. En plus, les médias sociaux peuvent amplifier un faux pas et faire de la distorsion. Et à cinq participants, il va avoir du « stock ». Ce débat pourra confirmer les sondages ou changer la dynamique. Il peut aussi y avoir des gagnants, dépendant du segment (thématiques). On voit l’impact de cela dans l’après-débat. À deux ou trois, on peut parler d’un gagnant ou d’un perdant. À cinq, pas certain.
LO : Absolument, ils ont encore un impact. Un débat, c’est un moment charnière. Ne jamais oublier que c’est une occasion de parler à une masse de personnes encore indécises qui attendent ce moment pour se faire une tête. C’est aussi le moment de séduire les électeurs « mous », ceux qu’on peut potentiellement convaincre.
AB : C’est une erreur de penser qu’un débat télévisé – et, ne l’oublions pas, accessible via internet – n’a plus le même impact qu’auparavant. Rappelez-vous l’erreur commise par Bernard Landry lorsqu’interrogé par Jean Charest sur une déclaration de Jacques Parizeau. Cela lui a fait perdre l’élection. Un débat télévisé est un événement incontournable qui intéresse encore les électeurs. Il est vrai cependant que la cote d’écoute a tendance à diminuer à mesure que se déroule le débat.
Autrefois, on désignait un vainqueur sur sa capacité à attaquer l’autre, à prendre le contrôle du débat et à le déstabiliser. De nos jours, l’agressivité et les attaques semblent irriter le téléspectateur. Diriez-vous que les temps ont changé et que les stratégies sont différentes?
LO : La stratégie demeure de déstabiliser ses adversaires, mais en adoptant le bon ton et en n’étant jamais agressif. La ligne est mince entre se défendre lorsqu’on est attaqué et tomber dans l’arrogance.
AB : Oui, tout à fait, à moins de révéler un dossier chaud qui fait trébucher un des débatteurs. Les électeurs-téléspectateurs veulent voir des performances qui inspirent confiance. L’agressivité affichée par Jean-François Lisée aux dépens de Manon Massé, au débat de 2018, a fait perdre beaucoup d’appuis à son parti politique.
On accorde beaucoup d’importance « au débat sur le débat ». Au-delà de la performance des chefs, diriez-vous que la stratégie de communication post-débat est aussi importante que le débat en soi?
JP : Sans doute, les spinners ont un rôle important à jouer avant et dès la conclusion du débat. Il faut être très simple et percutant dans nos lignes destinées aux médias. Il faut amplifier les erreurs ou le ton de l’adversaire clé rapidement et avoir une ou des lignes pour valoriser notre candidat/e. Et les chefs seront possiblement traités différemment lors des points de presse qui suivront. En partie, le débat se poursuit au scrum post-débat. Il faut se préparer en conséquence.
LO : Il y a beaucoup de stratégies suivant les débats. Il y a beaucoup de planification dans la stratégie post-débat. Souvent, les messages sont déjà prêts et on les ajuste en fonction de la performance du chef. Tous les partis cherchent à influencer le gagnant du débat.
AB : Oui, surtout si aucun vainqueur n’a été déclaré à la suite de ces débats. La dernière semaine de la course électorale devient ainsi cruciale. Les électeurs toujours indécis peuvent faire pencher la balance et un faux pas peut être fatal pour un chef. Aucun chef ne doit relâcher le tempo.
Qu’est-ce qu’il faudra surveiller durant ces débats?
JP : François Legault sera l’adversaire à battre et la question se pose : qui sera le meilleur pour lui tenir tête ou prendre sa place? M. Legault veut une victoire conforme aux élans des sondages. Les attaques seront surtout envers lui. Cela étant, des positions claires sur les enjeux qui émergent seront aussi essentielles pour gagner les segments. Le Parti Québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) ont du chemin à faire, mais pourraient surprendre. Il faut présumer que Éric Duhaime sera fidèle à lui-même et fera recours à des formules choc tandis que Gabriel Nadeau-Dubois voudra se présenter comme le réel chef d’opposition. J’avance aussi que M. Legault souhaiterait que les médias voient ce débat comme étant entre lui et Gabriel Nadeau-Dubois.
LO : M. Legault bénéficie d’une bonne longueur d’avance. La question qu’on doit se poser est la suivante : est-ce que l’un des chefs sera capable de le déstabiliser? Ce sera assurément un débat 4 contre 1 avec une tentative d’aller piger dans l’électorat de la CAQ. Chacun voudra consolider son vote, convaincre les indécis et se présenter comme l’alternative. Par ailleurs, quatre chefs vont vouloir se disputer le rôle de chef de l’opposition officielle.
AB : La réaction de François Legault, s’il est placé sur la défensive, et la performance des quatre nouveaux chefs seront à surveiller. Anglade et St-Pierre-Plamondon pourraient réserver des surprises.
——— Luc Ouellet is a former Partner at NATIONAL Public Relations