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In this article, André Bouthillier, Executive Vice-President at our Montreal office, shares his personal experience and his perspective on the many changes that have occurred in journalism and public relations.
(The article is in French.)
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J’entame ma 50e année de vie professionnelle consacrée au journalisme, aux relations publiques et, dans une moindre mesure, à la politique. Une période riche et intense au cours de laquelle j’ai assisté à une évolution accélérée de la pratique du journalisme et des relations publiques.
Journaliste, j’avais une perception très négative des relations publiques. Le meilleur communiqué de presse, le mieux écrit, ni le plus compétent des professionnels en relations publiques ne pouvaient me faire croire que les interventions des relationnistes pouvaient me permettre de mieux informer nos lecteurs ou nos téléspectateurs.
Chaque jour, sur nos bureaux, nous recevions des dizaines de communiqués de presse sur des sujets plus ou moins intéressants (il n’y avait pas l’Internet et les courriels à l’époque). Les relationnistes nous relançaient constamment pour vendre leurs nouvelles ou pour assurer notre présence à leurs conférences de presse. Ils nous invitaient à partager un repas pour mieux nous séduire.
Dans un article publié dans le bulletin de la Société des relationnistes du Québec (l’ancêtre de la Société québécoise des professionnels en relations publiques), en décembre 1988, j’affirmais ceci : « Les journalistes d’aujourd’hui sont encore trop les victimes de supposés professionnels en relations publiques qui, ne connaissant même pas les heures de tombée des salles de rédaction, utilisent le téléphone à outrance sans savoir comment aborder leur sujet ».
Avec de tels propos, comment ai-je pu traverser la clôture? Comment ai-je pu passer du « côté sombre » des communications après 15 ans de journalisme, en 1987?
Le goût du risque, le désir de devenir un gestionnaire, la difficile situation économique au Devoir et le leadership attirant de Serge Godin (j’ai été son premier directeur des communications) puis l’appel de Luc Beauregard pour me joindre à Beauregard, Hutchinson, McCoy, Capistran, Lamarre, Tremblay et associés (devenu Le Cabinet de relations publiques NATIONAL) expliquent en grande partie mon saut vers l’inconnu.
La maturité des relations publiques
Au fil des années, j’ai pu apprécier l’environnement très professionnel de la discipline des relations publiques. Aujourd’hui, les nouveaux conseillers en relations publiques doivent détenir un diplôme universitaire. Plusieurs autres apportent avec eux leur riche expérience en journalisme, en droit, en économie, en politique…
Dans son livre Le temps des relations publiques, le stratège en relations publiques et en communications, Guy Versailles, note : « Longtemps absentes des facultés d’administration ou écoles de gestion, les relations publiques y sont de plus en plus enseignées. Employeurs et clients recherchent l’efficacité et les progrès mesurables. Les professionnels sont tenus d’acquérir une réelle compétence et de maintenir leurs connaissances tout au long de leur carrière ».
Les associations en relations publiques sont bien structurées et offrent des programmes de perfectionnement bien adaptés aux besoins des communicateurs travaillant en entreprise et en cabinet-conseil. Nous sommes devenus des observateurs privilégiés de l’évolution d’une politique, d’une entreprise et même de la société en général.
Grâce aux conseillers en relations publiques, les organisations peuvent structurer leurs messages fondés sur des faits et la vérité. Indispensables, les communications internes et externes sont devenues un outil de gestion d’une organisation comme le sont les finances, les technologies de l’information et les ressources humaines.
Mais qu’elle soit journaliste ou spécialiste en relations publiques, j’accorderai toujours mon choix à une personne qui, en plus de ses compétences en communication, possède des connaissances générales. Cette aptitude à en connaître toujours davantage représente un atout intellectuel essentiel qui devrait constituer un critère d’embauche de notre industrie. Que le candidat soit journaliste, expert en relations publiques ou jeune détenteur d’un baccalauréat en communications.
Dans un des meilleurs journaux francophones en ligne que je connaisse, Mediapart, on écrivait récemment que 12 000 postes de journaliste ont disparu en dix ans aux États-Unis (sauf à Washington, New York et Los Angeles), entre 2005 et 2015. Au cours de la même période, 20 000 nouveaux emplois avaient été créés en relations publiques. Sur le même sujet, un sondage de l’organisation American Society of Newspaper Editors révélait que, de 2003 à 2012, plus de 16 000 journalistes à temps plein avaient perdu leur emploi.
À titre de vice-président exécutif chez NATIONAL, je reçois couramment des demandes d’emploi de journalistes, pour la plupart d’expérience. Le phénomène a même pris de l’ampleur depuis 2019. Cela peut surprendre, car, à entendre certains d'entre eux, nous sommes carrément leurs « frères ennemis ».
L’attrait d’une meilleure rémunération explique en partie ce mouvement vers notre métier. Mediapart souligne que, selon Pew Research Center, en 2013, un spécialiste en RP aux États-Unis gagnait en moyenne 55 000 $US, alors qu’un journaliste n’en gagnait qu’environ 36 000 $US (cette moyenne doit inévitablement inclure les médias locaux!). En France, rapporte également Mediapart, le nombre de journalistes n’évolue presque pas : 36 317 cartes professionnelles avaient été enregistrées en 2014, tandis que le secteur des communications employait 377 000 personnes, soit dix fois plus.
L’aspect financier n’est pas la seule raison de cette volonté de changement de carrière. Bien sûr, l’apparition du numérique a suscité chez le journaliste une crise identitaire, lui faisant perdre son monopole d’informer. Un journaliste intéressé à se joindre à notre Cabinet est allé plus loin en me disant que son métier devenait de moins en moins stimulant en raison notamment de l’influence des médias sociaux. « La population, affirmait-il, accorde parfois plus de crédibilité à des bêtises écrites sur Twitter ou Facebook qu’à des reportages réalisés par des professionnels de l’information. C’est devenu moins motivant de pratiquer le journalisme dans ces conditions. »
Selon un ex-journaliste aujourd’hui directeur des relations médias d’une grande organisation canadienne, l’absence de possibilité d’avancement dans les salles de presse justifie également ce désir de frapper à la porte des relations publiques. « Après dix ans en journalisme, tu fais le même type de reportage. Les relations publiques t’offrent la chance d’être plus créatif et d’obtenir des responsabilités en gestion, par exemple », m’a-t-il expliqué.
Mais certains journalistes voient encore les experts en relations publiques comme des manipulateurs de l’information. Je leur réponds qu’un journaliste professionnel et compétent sait comment adapter – voire même refuser – les angles proposés par un conseiller en communication d’une entreprise s’ils ne les aiment pas.
Les journalistes et conseillers en relations publiques se respectent et agissent en professionnels. Le journalisme et la chronique de qualité existent et sont nécessaires en réponse à la pauvreté de certaines informations véhiculées sur les médias sociaux. Plusieurs médias écrits ont constitué des équipes de journalistes d’enquête qui nous livrent des dossiers solides, appuyés par des recherches approfondies. Le journalisme libre, crédible et vrai est donc encore plus nécessaire en raison de l’usage que font certains des médias sociaux.
Dans mon article de décembre 1988, intitulé Sommes-nous des faiseurs d’images ?, j’en appelais au respect mutuel entre journalistes et conseillers en relations publiques. Et je terminais comme suit : « Le professionnel en relations publiques est-il un manipulateur de l’information, un faiseur d’images? Pas du tout, si c’était le cas, des médias réputés ne retiendraient pas les services de cabinets de relations publiques pour élaborer leurs stratégies de communication ». Toutes les sociétés de presse demandent encore aujourd’hui la collaboration de « firmes de rp ».
Ai-je regretté parfois d’avoir quitté le journalisme? Oui, il m’est arrivé de m’ennuyer de l’écriture, de la chasse aux primeurs et de l’interaction avec les lecteurs. Mais j’ai pu remplacer ce beau métier par la gestion de nombreuses crises, la rédaction de plans de communication, des actions de relations gouvernementales, la réalisation d’audits internes et externes, la chasse aux nouveaux clients et le contact avec les groupes de pression. Sans oublier la gestion de ressources humaines et de budgets importants.
En gestion de crise, nous avons la responsabilité de fournir de judicieux conseils lorsqu’un chef d’une compagnie doit annoncer des licenciements ou lorsque la réputation d’un autre client est en jeu. Face à la pression médiatique, quelques présidents de grandes organisations sont allés jusqu’à fondre en larmes de stress devant moi. La relation de confiance privilégiée que nous développons avec les clients nous donne l’occasion de les appuyer de multiples façons, parfois même émotionnellement.
Presque chaque jour, sans que les citoyens ne le sachent, les informations de dossiers gérés par des conseillers en communication sont publiées ou diffusées dans les médias. Contrairement à ce que prétendent des « scribouilleurs », nous ne manipulons pas l’information. Nous exerçons une grande influence dans la société et les médias et nous avons le devoir d’agir de façon responsable et respectueuse.
Tant comme journaliste que comme conseiller stratégique en communication, ma première valeur a toujours été de communiquer la vérité, même si cela pouvait heurter lecteurs ou clients. Talleyrand, au début du dix-huitième siècle, disait à ce propos : « De nos jours, il n’est pas facile de tromper longtemps. Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, plus d’esprit que Bonaparte (…), que chacun des ministres passés et présents et à venir : c’est tout le monde ».
Espérons que cela soit encore le cas aujourd’hui, et le sera demain.
André Bouthillier en 2008 alors qu'il était responsable des relations médias d'Henry Kissinger, ex-secrétaire d'État des États-Unis en poste de 1973 à 1977, au cours de son passage à Montréal dans le cadre de la 14e édition de la Conférence de Montréal.
André Bouthillier en 2009 alors qu'il était responsable des relations médias de Madeleine Albright, ex-secrétaire d'État des États-Unis en poste de 1997 à 2001, au cours de son passage à Montréal dans le cadre de la 15e édition de la Conférence de Montréal.